Les différences cognitives des HPI compliquent souvent leur vie relationnelle. Dans tous les livres traitant du sujet, on entend parler de la souffrance sociale commune à de nombreuses personnes surdouées, en particulier l’ennui généralisé et les conséquences d’une empathie débordante. En revanche, ce qu’on entend trop rarement, c’est l’influence redoutable d’un faux-self non-repéré sur ces mêmes situations de souffrance relationnelle. Cet article va vous expliquer comment le Faux-Self entrave au quotidien les échanges avec l’extérieur, comment il favorise l’ennui d’un côté et la fusion empathique de l’autre, et quelles sont les pistes à suivre pour apprendre à se repositionner dans la relation.

Comment le Faux-Self figé entretient-il un sentiment d’ennui permanent ?

Tout le monde peut s’ennuyer à l’occasion, qu’on soit HPI ou pas. Il suffit d’être durablement désœuvré, d’avoir un entourage avec qui on ne peut rien partager, d’être contraint de poursuivre des activités qui n’ont aucun sens réel à nos yeux…Cela nous arrive à tous, et il suffit d’un changement de situation pour que l’ennui cède enfin la place à l’enthousiasme, en réveillant notre capacité de projection dans l’avenir.

Mais que dire de ceux qui s’ennuient partout et tout le temps ? Si ce n’est que quelque chose les empêche de se sentir pleinement vivre dans le monde et avec les autres ?

Parce qu’il sert de rempart entre soi et l’extérieur, le Faux-Self figé empêche toute implication réelle dans les situations, et principalement dans la relation à l’autre. Et quand on ne s’implique pas, il est impossible de trouver quoi que ce soit de réellement passionnant. Imaginez que vous regardiez un film en étant le plus distancé possible, sans vous projeter à l’intérieur une seule seconde, sans ressentir, sans véritablement vous imprégner de ce qui est en train de se jouer, sans vibrer avec les personnages et sans trembler avec eux…Vous serez certain de vous ennuyer considérablement, indépendamment de la qualité de l’intrigue. Simplement parce que sans implication, rien ne peut véritablement frémir en soi. Au mieux, à la fin du film, vous serez en mesure de dire “de quoi il était question et comment ça s’est terminé”…Mais sans frisson, sans passion, sans élan.

De nombreux surdoués se plaignent que les conversations avec les autres ne sont pas assez stimulantes, que le rythme des informations n’est pas assez soutenu, qu’ils n’apprennent rien, que toutes leurs expériences professionnelles étaient sans saveur… Bref, qu’ils s’ennuient encore, toujours, partout. Mais sont-ils réellement impliqués dans les situations ? Sont-ils présents émotionnellement parlant quand ils échangent avec les autres ? S’intéressent-ils à ce qui se joue en dehors des informations factuelles et rationnelles qu’on leur transmet ? Ou bien sont-ils derrière une vitre parfaitement hermétique aux émotions, et dont le but consiste à les séparer autant que possible des désordres et des dangers du monde extérieur ?

L’ennui permanent n’est jamais à la hauteur de sa trop grande intelligence, mais à la hauteur de sa peur d’être trop bouleversé, trop bousculé, trop remis en question par le rapport à l’autre. On s’ennuie à la hauteur de sa capacité à se maintenir le plus distancé possible du monde. S’impliquer, c’est assumer le risque, alors que rester derrière une vitre, c’est l’assurance qu’il ne se passera rien. Et quand il ne se passe rien…

Le faux-self figé est une armure qui préserve des dangers extérieurs, mais cette tranquillité a un prix : l’ennui, l’absence de dynamique, de stimulation, de vibration, de nourriture émotionnelle. Bref, de tout ce qui donne le sentiment de vivre intensément et d’habiter pleinement sa place.

Alors que faire pour s’autoriser à vivre enfin autre chose ?

  1. Se demander si l’ennui ressenti est situationnel et ponctuel, ou s’il est généralisé et constant.
  2. Questionner sa posture face au monde extérieur. A quel point est-on distancé ? A quel point assume-t-on d’être à l’intérieur des situations ?
  3. Travailler sa peur ou son rejet de la relation au monde extérieur et à l’autre. Que gagnerait-on à s’impliquer davantage ?
  4. Réapprendre à se relier et à vivre pleinement la relation, de l’intérieur, en rendant l’armure un peu plus perméable aux émotions, aux sensations et aux idées qui naissent de la rencontre avec l’autre.

Faux-Self caméléon et éponge émotionnelle : quand la fusion rend la relation à l’autre trop douloureuse

De nombreux surdoués sont réputés pour la qualité de leur empathie. Et quand cette empathie est particulièrement sollicitée, cela peut devenir épuisant. Nous sommes nombreux à vivre cela dans notre quotidien. Il suffit de prendre un peu de distance, et notre vie émotionnelle retrouve soudainement son équilibre.

Mais que dire de ceux qui se fondent tellement dans la relation à l’autre qu’ils ne sont plus capables de distinguer leurs propres émotions de celles de leur entourage ? Ceux qui n’ont jamais appris à se distancer et qui finissent par y perdre leur individualité ?

Nous allons parler ici des dérives de l’empathie, quand ce qui apparaît comme une incroyable ressource pour comprendre l’autre se transforme en piège : celui de la fusion, d’autant plus douloureuse qu’elle ne permet plus de se sentir exister pour soi-même et d’habiter sa vie.

Le faux-self caméléon se perd totalement dans le désir de l’autre, et utilise toutes ses ressources pour contenir, anticiper et répondre aux attentes de son entourage. Pourquoi ? Parce que sa peur d’être rejeté est telle qu’il a mis en place une stratégie de survie particulièrement coûteuse en énergie : se faire creux pour mieux accueillir et laisser résonner en lui les émotions des autres au détriment des siennes.

Le faux-self caméléon absorbe les douleurs et les chagrins de sa famille, de ses amis, de ses clients, collègues, patients, étudiants…Et il les fait siennes au point d’en être profondément affecté et meurtri. Impliqué au-delà de toute mesure et dès qu’on le sollicite, il se transforme à la seconde en oreille compatissante, en bras rassurants, en parfaite maman prévenante…L’image même de la bonté, de l’abnégation, et allant parfois jusqu’à la posture sacrificielle.

De nombreux burn-out naissent comme cela : après des années à ce rythme, à contenir et à ressentir tous les malheurs des autres sans jamais avoir de place pour regarder les siens en face, on finit par épuiser ses ressources.

Alors que faire pour s’autoriser à vivre enfin autre chose ?

  1. Se demander si on est toujours capable de faire une distinction claire entre ses affects et ceux des autres ?
  2. Apprendre à se distancer sans fuir pour autant. Se distancer n’empêche pas d’être en relation. Mais cela permet de retrouver de la place pour se penser, se ressentir, respecter ses besoins et choisir son positionnement.
  3. Apprendre à écouter ses propres affects et son besoin d’être écouté, rassuré et contenu par d’autres personnes bienveillantes.
  4. Se relier à d’autres en veillant à ce que chacun puisse être accueilli dans ses émotions et sa vulnérabilité, dans la réciprocité et la chaleur humaine.

En guise de conclusion…

Tous ceux qui s’ennuient n’ont pas forcément un faux-self figé. Tous ceux qui souffrent de leur empathie débordante n’ont pas forcément un faux-self caméléon. Mais quand on vit ces situations de façon récurrente, qu’on adopte trop régulièrement le même positionnement tout au long d’une vie (trop distancé ou trop fusionné par rapport au monde extérieur) alors la question mérite d’être posée.

Pourquoi ? Parce qu’un faux-self est une stratégie de défense inconsciente dont le but est de mettre tout en œuvre pour vous protéger.

  • Si vous avez peur d’être trop affecté par l’autre, le faux-self fera en sorte de vous isoler au maximum, de laisser glisser sur l’armure toutes les informations qui pourraient vous perturber, vous affecter, remettre en cause votre stabilité intérieure.
  • Si vous avez peur d’être rejeté, le faux-self vous rendra creux et parfaitement adaptable pour mieux fusionner avec l’autre. Au point de perdre votre sentiment d’avoir une intériorité, et des affects qui vous appartiennent en propre.

Dans les deux cas, ces positionnements extrêmes entravent votre rapport à l’altérité, sur la durée et votre capacité à construire votre vie.

  • Soit l’autre n’a pas réellement de place, il ne peut pas vous toucher, partager ses affects avec vous, créer avec vous, avancer avec vous. Et on ne construit jamais rien tout seul, déconnecté du monde.
  • Soit l’autre prend toute la place alors que vous réduisez la vôtre au maximum, vous ne pouvez pas le toucher, partager ce que vous ressentez avec lui, vous sentir créateur avec lui, avancer avec lui. Et de la même manière, on ne construit rien sans avoir de place réelle pour s’exprimer et pour agir.

Dans les deux cas, la relation à l’autre est empêchée. Et cela coûte très cher.
Le faux-self figé coûte, parce que ne jamais pouvoir s’impliquer nulle part, c’est être condamné à traverser la vie en restant derrière une armure sans vraiment s’en rendre compte, à se demander pourquoi tout est si fade. Dans ces conditions, construire quelque chose de signifiant avec l’autre n’a aucun sens.
Le faux-self caméléon coûte, parce qu’être obligé de se nier en permanence empêche d’accéder à ses ressources et à ses propres désirs. Dans ces conditions, construire quelque chose de signifiant avec l’autre n’a pas plus de sens que dans la situation précédente.

Le seul moyen permettant de vivre enfin autre chose consiste à réapprendre à se relier, à créer de la relation avec l’autre. Sans le tenir à distance outre mesure, et sans disparaître pour lui laisser toute la place. C’est un apprentissage, un travail de soi qui se fait sur la durée, et qui implique de comprendre ce que sont vraiment les enjeux d’une relation, d’affronter sa peur, de la désamorcer et d’apprendre à se positionner autrement.

C’est à ce prix qu’on peut enfin réapprendre à vivre, à ressentir, à donner pleinement du sens à ses actes.

A construire sa place dans le monde, avec les autres et pour les autres.

Article rédigé par Marie-Anna Morand

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