Place du corps, impact en entreprise, gestion des émotions pour les adultes surdoués… : ma conférence sur l’improvisation théâtre lors du Congrès Douance 2018 a suscité bien des questions. Découvrez mes réponses, y compris celles que je n’avais pas eu le temps de donner lors du Direct, sur ce sujet passionnant.
Les bienfaits de l’improvisation théâtre pour les adultes surdoués
Cette discipline artistique et ludique, dans laquelle rien n’est écrit à l’avance mobilise les talents naturels des adultes surdoués : écoute, implication, ouverture, capacité à se mettre au service des autres… Elle leur donne la possibilité de s’exprimer en faisant tomber le masque ce qui booste considérablement l’estime de soi.
Pratiquée à titre personnel ou en entreprise, l’improvisation théâtrale favorise l’agilité, l’innovation et l’efficacité. C’est un jeu passionnant qui permet aux surdoués d’exploiter enfin leur imaginaire débordant en rebondissant sur les idées de leur(s) partenaire(s), créant ainsi une histoire spontanée et collective.
Par ailleurs, l’expression et la gestion des émotions, la place du corps et du mental, l’utilisation de l’hypersensibilité, la place dans le groupe… sont autant de problématiques auxquelles l’improvisation théâtrale apporte des réponses.
Redonner de la place au corps quand on est surtout dans le mental
Justement, l’un des participants au Congrès Douance m’a demandé « En improvisation théâtrale, s’agit-il d’oser utiliser son corps, moins se renfermer ? » En effet, le corps est très fortement mobilisé, comme en danse, par exemple. Lorsqu’on monte sur scène pour une session d’impro, il n’y a pas de mise en scène, pas de décor, pas de costumes. C’est intéressant pour les surdoués, cela leur demande de mettre à distance leur mental envahissant et de canaliser l’activité incessante de leur esprit afin de pouvoir écouter leur partenaire et construire avec lui une histoire commune.
Un autre participant a expliqué qu’il avait fait l’expérience d’un cours d’improvisation théâtrale, qu’il a adoré. « Mais ensuite, mon cerveau était dans une telle ébullition qu’il n’arrivait plus à se poser, et que cela l’a finalement fatigué. Alors comment combiner cette activité avec une « pause de cerveau » ?» a-t-il demandé. Il n’y a d’autre solution que d’accepter cette ébullition du mental et de se respecter. Cela nécessite de se réserver ensuite un temps pour redescendre en énergie, en se ménageant un sas de décompression. Concrètement, cela veut dire ne pas prendre de cours trop tard le soir, par exemple, pour ne pas nuire à la qualité de son sommeil.
La notion de groupe, essentielle dans les bénéfices induits de l’improvisation
Certains surdoués ressentent des difficultés majeures pour s’intégrer dans un groupe, quel qu’il soit. Lucie a demandé : « Les réfractaires au groupe peuvent-ils espérer libérer leur potentiel et mettre à distance leur mental dans une pratique solitaire d’improvisation via le chant, l’écriture ou le dessin ? Ou la dynamique de groupe est-elle un indispensable catalyseur ? » Or, l’acceptation de soi et de l’autre est fondamentale dans l’improvisation théâtrale, tout comme l’ouverture et la mise au service du groupe. Les disciplines solitaires évoquées par Lucie permettent aux adultes surdoués d’exprimer leur créativité et leur hypersensibilité avec des bénéfices intéressants aussi, mais différents du travail d’improvisation. Et n’oublions pas que le regard bienveillant porté par le groupe sur l’adulte surdoué est un vrai boosteur de l’estime de soi !
Maîtriser ses émotions, un bénéfice direct de l’improvisation théâtrale ?
De nombreuses questions ont porté sur la gestion des émotions, sujet difficile pour les surdoués en raison de leur hypersensibilité. Une participante a expliqué « Avec le recul, j’ai appris à exprimer mes émotions, mais pas à les gérer. Quelles exercices permettent de travailler l’intelligence émotionnelle » ? Je ne pense pas en effet qu’on puisse totalement gérer ses émotions, surtout pas un surdoué qui ressent tout de manière si intense. Mais apprendre à les exprimer, à les nommer aide à les accueillir et à réduire cette intensité. Cela aide à les mettre à distance afin d’éviter qu’elles ne soient trop envahissantes.
L’improvisation théâtrale utilise beaucoup les émotions ce qui aide ensuite à les exprimer au quotidien. Quand on crée un personnage, on le crée complètement, en s’interrogeant sur la posture qu’on lui donne, son ton de voix, l’action qu’il accomplit, et l’émotion qui l’habite (colère, déception, joie, tristesse, etc.). Cela permet de se familiariser avec le registre des émotions : les siennes et celles des autres. Cela représente un grand pas vers l’intelligence émotionnelle.
L’improvisation théâtre comme outil thérapeutique ?
Pierre Lee m’a demandé pendant la conférence « Pensez-vous que la mise à distance en improvisation équivaut au positionnement des thérapeutes, en écoute de ce qui se joue ? » Une autre personne a demandé si on pouvait considérer l’improvisation comme une forme de thérapie, même si la pratique courante ne se veut pas thérapeutique. À cela, je réponds un « non » très clair. L’improvisation est une pratique avant tout ludique, et n’est pas une thérapie, dans le sens où elle ne guérit pas et n’a pas pour effet de soigner. En revanche, elle peut aider à mieux vivre dans certains champs, personnels ou professionnels. En improvisation thépâtrale, on partage un moment très fort avec ses partenaires, on est très soudés, ce qui diminue le profond sentiment de solitude que je rencontre chez de nombreux surdoués que j’accompagne en coaching individuel.
Il y a un autre effet induit de l’impro très positif pour les surdoués, c’est l’acceptation d’eux-mêmes. Dès l’enfance, ils ont souvent été critiqués parce qu’ils n’entraient pas dans le cadre. Trop rapides, trop lents, trop émotifs, trop rêveurs, trop brusques… à la longue, ces critiques entament l’estime de soi. Donner la réplique à un partenaire ou à un coach qui est dans l’acceptation totale, et rebondit sur toutes vos propositions, c’est fantastique, et permet de restaurer cette estime de soi.
On peut, si on le souhaite, pratiquer l’improvisation théâtrale dans un objectif de développement personnel et professionnel, car elle permet de prendre conscience et de lever ses blocages. Cela se fait alors grâce à des séances de coaching avec un coach rodé aux techniques de l’impro, ou lors de formations, par exemple. En bref, ce n’est pas thérapeutique, mais cela peut aider à mieux vivre et à avancer.
L’improvisation théâtrale pour se sentir mieux au travail ?
D.Mi m’a demandé ce que la pratique de l’improvisation théâtrale pourrait lui apporter dans sa vie privée et professionnelle. Sur le plan professionnel, c’est un outil de plus en plus utilisé par les entreprises, dans l’objectif de libérer la créativité, favoriser l’innovation et améliorer la performance individuelle et collective. L’improvisation théâtrale favorise en effet le lâcher-prise, ce qui est fondamental pour faire table rase de ce qui est déjà connu et donc innover.
L’improvisation théâtrale aide également à gagner en leadership, à être plus convaincant, à mieux négocier, à améliorer sa prise de parole en public, à gagner en efficacité relationnelle… autant de bénéfices qui profitent à la fois à l’entreprise et aux individus à titre personnel. C’est pourquoi j’y suis très favorable, car tout le monde y gagne.
Comment placer l’improvisation au cœur de sa vie quotidienne ?
En conclusion, je voudrais rappeler cette citation d’Isaac Asimov que j’aime beaucoup : « Pour réussir, il ne suffit pas de prévoir. Il faut aussi savoir improviser. » Cela est vrai en entreprise comme dans sa vie familiale et sociale. Pensez-y le soir au coucher : était-il possible de prévoir tout ce qui vous est arrivé dans votre journée survoltée de surdoué ?
Article rédigé par Véronique Bouton, oratrice congrès 2018
Plus jeune, j’ai pratiqué l’improvisation. Avec difficulté au début, sortir de blocages déjà installés, puis avec plaisir… éphémère. Rapidement j’ai constaté que là aussi il fallait donner représentation stéréotypée, en étant de nouveau rejetée par mes idées trop différentes. Cela aurai pu être une école du « savoir doser », entrer dans le moule pour mieux en sortir… peut -être n’était-ce pas le bon moment…
C’est la première fois que je lis un article sur l’impro théâtrale et le HP. Je pratique cette activité depuis 6 ans, et avec ma sensibilité exacerbée et l’energie du moment, il m’arrive de douter, de refaire l’impro, de mouliner sur ce que j’aurai du faire ou dire. Sur les matches avec pyblic, c’est l’ascenseur émotionnel et s’il y a trop de pression, je dois lâcher prise et profiter du moment présent ds le corps et l’imaginaire. C’est une pratique qui demande de l’énergie, de l’écoute, de la confiance et un détachement du résultat. L’impro est aussi et surtout un bon moyen de relever des défis et d’apprendre sur soi ! Tous à l’impro 😉
Pouvoir être sans fard, ni costume, que cela doit être apaisant.
Se ressembler sans jouer à être ce que l’autre attend, bondir et rebondir d’une idée à une autre, s’exprimer en grand et en petit sans passer pour une extraterrestre et devoir aussitôt rentrer dans sa « coquille moule » quel joie inespérée … mais où peut-on se mettre à nu de la sorte ?
Me Bouton, vos réponses sont stimulantes et j’espère un jour trouver à proximité de chez moi un lieu où tenter cette aventure, même s’il me faudra pour se faire prendre mon courage à deux mains. La mise à nu n’étant pas mon fort, trop de faux self et tellement moins de spontanéité qu’avant, être hors cadre n’est pas toujours facile à assumer et peut être par facilité ou par lâcheté j’entre bon gré mal gré dans un certain carcan.
Je vous remercie pour votre intervention lors du congrès douance, elle m’avait apporté un nouvel éclairage bienveillant et une envie plus grande encore d’être moi.
En impro, vous n’êtes pas sans costume mais avec le costume du personnage. Le personnage peut dire et faire des choses que vous ne diriez/feriez pas. Et ça, c’est cool. MAIR asbl
Merci Véronique pour cet article très juste. Je suis HP anonyme ET directrice artistique d’une asbl d’impro-théâtre. C’est bien de faire la distinction avec la thérapie car nous en avons souvent eu et ça crée un décalage dans le groupe. L’impro permet d’apprendre à oser par essais/erreurs et de constater que le ridicule ne tue pas mais peut faire bien rire. Par contre, j’ai arrêté de coaché moi-même les adultes car je donnais plus-trop-de moi-même et me suis fait vampiriser.
Ancholine, c’est un plaisir de vous lire tant vous avez bien decris les bienfaits de l’improvisation théâtrale ! Alors, quand tentez-vous l’expérience ? Il n’y aurait pas un léger brin de procrastination chez vous ? 😉
Si oui, vous pouvez lire mon article ici : https://www.leadinov.com/single-post/2019/03/25/Adultes-surdou%C3%A9s-comment-sortir-de-la-procrastination-au-travail-
Et merci pour votre retour positif sur le Congrès Douance 🙂
Corinne, j’aime beaucoup votre expression « HP anonyme » que je me permettrai d’utiliser dorénavant. J’ai la conviction qu’il y a beaucoup plus de HP que les 3% de la population généralement évoquée. Je rencontre dans mes activités professionnelles et extra-professionnelles de nombreux surdoués, HPI, Zèbres qui vont très bien, sont heureux et n’ont donc jamais éprouvé le besoin de se faire détecter ni recenser ! Quant au fait que vous ayez eu le sentiment de vous faire vampiriser lorsque vous avez coaché, c’est justement ce que l’on apprend à éviter (et bien d’autres choses) dans les bonnes formations au métier de coach. Si vous aimez ce métier, je vous invite à suivre une formation longue (au moins 1 an) reconnue et certifiante. Après, ce n’est que du bonheur 🙂
Corinne, oui et du coup, cela permet de s’autoriser à être soi-même par l’intermédiaire de ses personnages. C’est un bon entraînement pour commencer à montrer des petits bouts de soi-même et plus on le fait, plus on a envie d’en montrer…