Vous êtes un touche-à-tout ? On vous dit que vous êtes instable ? Vous avez des difficultés à trouver votre voie tellement vous êtes curieux ? Vous savez faire une multitude de choses et surtout, vous n’avez pas du tout envie de n’en choisir qu’une seule ? Vous avez envie de continuer à expérimenter et ce n’est pas toujours facile au niveau professionnel ? Bienvenue dans le monde des multipotentiels. 

Audrey Chapot, anthropologue, propose une solution : créer votre métier hybride. Dans son interview lors de sa participation au Congrès Douance, elle vous explique comment procéder, et vous donne quelques clés concrètes pour vous reconnecter à votre authenticité, même dans la sphère professionnelle.

Hybride : Ça veut dire quoi exactement ?

Concernant le terme « métier hybride », Audrey Chapot a préféré choisir le terme « métier » au lieu de « activité » ou « job » ou « travail ». Pourquoi ? Tout simplement par rapport à l’étymologie et l’histoire du mot « métier ». Cela renvoie à quelque chose de noble, il y a l’idée de se dédier à une œuvre, à une cause ; il y a quelque chose qui nous nourrit et nous dépasse en même temps. C’est par exemple la notion de chef-d’œuvre des Compagnons du Tour de France, ou la notion que l’on retrouve chez les artisans. Ils sont envahis par ce qu’ils font, du moins c’est l’idée qui en ressort principalement. Au contraire, le terme « travail » apporte beaucoup plus l’idée de labeur, de pénibilité, et le terme « activité » aborde la notion de faire quelque chose, mais il n’y a pas forcément d’âme, pas de plaisir, pas d’émotions. 

Audrey Chapot préfère valoriser le terme de « métier » pour montrer que l’on peut s’épanouir professionnellement, si on est en phase avec cette notion de métier, et non pas de travail ou d’emploi ou autre. 

Le terme « hybride » à la base, signifie étymologiquement : sang mêlé, bâtard. Cela vient à la fois du latin et du grec. Hybrida, en latin, était ce qui résultait de l’accouplement d’un sanglier et d’une truie ; on voit que c’est du sang mêlé qui n’est pas dans la norme, mais qui résulte à quelque chose. Hubris en grec, signifie excès. 

Aujourd’hui la notion du mot « hybride » représente le mélange qui peut aller à l’excès, qui à priori ne paraît pas naturel, mais qui finit par exister. 

Suite à son cheminement personnel, Audrey Chapot a choisi ce terme d' »hybride », car il lui paraissait ouvert et précis pour ne pas avoir besoin de mettre des frontières étouffantes. Un métier hybride, tel que le définit Audrey, est un métier qu’on invente. Ce sont des activités professionnelles qui font que l’on arrive à s’épanouir, et qu’on invente, car c’est nouveau.

Plusieurs éléments mettent cela en avant. Tout d’abord la nouveauté : elle peut être présente par une mise en application, par des tests, par un nouveau public cible… 

Le second élément est la combinatoire : cela signifie que l’on va combiner plusieurs éléments pour en faire quelque chose de nouveau, comme une hyper-spécialisation qui consiste à se spécialiser dans un domaine bien précis par rapport à son métier de base. Cela peut être vu dans le sens inverse avec une ouverture maximum, comme par exemple remettre au goût du jour des pratiques anciennes. 

Les personnes qui sont régulièrement expatriées peuvent aussi être concernées, car leur problématique sera de trouver la façon de procéder avec une évolution professionnelle hachée en fonction des déménagements. Elles devront atteindre une continuité dans leur activité de façon à pouvoir la pratiquer partout dans le monde, comme une activité en ligne par exemple : on fait quelque chose de similaire, mais avec des modalités différentes.

 

Comment appliquer cela dans le monde de l’entreprise ?

Avoir un métier hybride peut s’appliquer à tout le monde, même si cela peut être plus simple quand on se met à son compte car étant le seul décideur, les choix sont facilités.

Une personne salariée peut très bien envisager d’avoir un métier hybride, à condition que la culture de l’entreprise le permette et que la Direction soit ouverte à cette idée. Les entreprises sont de plus en plus flexibles pour que leurs salariés y trouvent leur compte et restent dans l’entreprise. 

Une possibilité sera de redéfinir un poste en particulier en délimitant les responsabilités, soit en l’étendant ou au contraire en la restreignant. On peut y ajouter des missions connexes, c’est ce que l’on va retrouver avec l’intrapreneuriat : on est entrepreneur à l’intérieur de l’entreprise dans laquelle on travaille. On va se dédier à des missions récurrentes ou ponctuelles en fonction des besoins de l’entreprise ou des clients. C’est le modèle start-up au sein de l’entreprise. Les personnes concernées par le haut-potentiel ou multipotentiel en sont avides, car cela leur amène de l’oxygène. Si elles font preuve d’initiatives et proposent une mission de ce type, il faut revoir leur périmètre d’activité quotidienne pour qu’elles puissent avoir un travail correspondant à leurs attentes, ou encore leur créer un poste en interne. 

Rien n’empêche de se créer une activité extra-professionnelle qui restera ponctuelle et qui pourrait se développer par la suite ; évidemment il faut que cela soit une activité rémunérée dès le départ. 

Parfois, certaines personnes travaillent à mi-temps dans des domaines qui leur conviennent sans avoir envie pour autant d’en faire un temps plein. Elles développent souvent en parallèle un autre pôle d’activité, souvent artistique, et trouvent à ce moment-là un équilibre entre ces deux emplois qui leur permet de se sentir bien. Elles ne souhaitent pas qu’un domaine prenne le dessus sur l’autre.  

Comment trouver son métier hybride ?

Cela ne se fait pas en un claquement de doigts du jour au lendemain. Cela paraît simple mais en même temps, quand on est sur le sujet, on fait appel à nous-même, le nous-même caché, volontairement ou non. Le temps de faire remonter les choses et de découvrir ce qui nous convient, notre singularité : tout cela demande un certain temps de réflexion et d’observation. 

L’idée est de trouver une possibilité de métier hybride qui nous convienne. Pour cela, il faut prendre le temps de lister tout ce que l’on sait faire et ce que l’on aime faire, sans se limiter à notre sphère professionnelle. Pertinemment, on va se retrouver avec une liste assez conséquente. 

Ensuite, il faut lister toutes les expériences que l’on a pu avoir qui nous ont provoqué de la joie, de la satisfaction et de la fierté. Ces expériences peuvent être professionnelles ou extra-professionnelles. Cela peut être des expériences qui s’étalent sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, tout comme des expériences très furtives qui nous rendent fier de soi. 

Puis, il faut faire la liste de nos peurs, car ce sont des obstacles. Ce sont nos peurs qui nous empêchent d’agir, de penser et d’oser imaginer. Les lister permet d’en prendre conscience. 

Enfin, il faut lister ses croyances. Ce sont toutes les petites phrases que l’on nous répète sans arrêt, qu’on nous a données : je n’y arriverai jamais, je suis nul, je ne suis pas comme les autres. Il faut lister ces phrases car les croyances sont des résistances qui peuvent être parfois des obstacles, et il faut en avoir conscience. 

On doit lister tout cela, et le fait de faire de longues listes permet de faire lâcher le mental pour que ce qui est à l’intérieur puisse ressurgir. 

 

Les 3 clés pour un métier qui nous ressemble

Les trois clés qu’Audrey Chapot va nous dévoiler peuvent paraître nouvelles ou récentes, mais sont finalement des idées ancestrales : les humains fonctionnent déjà de cette façon depuis bien longtemps.

La première clé serait le plaisir. On parle de ce que l’on aime. On n’est jamais aussi compétent que quand on aime ce que l’on fait, qu’on y trouve du plaisir et que l’on est enthousiaste. L’épanouissement apporte de la stimulation intellectuelle, de la légitimité et le fait de prendre du plaisir : c’est la base qu’il ne faut pas mettre à la deuxième ou à la troisième place. Il faut mettre cela en première place. Les idées viendront toujours si elles partent du plaisir. 

La deuxième clé est qu’il faut oser et bousculer les règles du jeu. Pour certains, cela sera d’oser rester dans la norme, car c’est leur mode de fonctionnement et pour d’autres, cela sera oser sortir, changer la donne. Pas forcément tout changer,  mais ne pas sentir un risque de se sentir exclu ou bon à rien… Les profils haut ou multipotentiels ont besoin de changer la donne dans certains domaines. Cela veut dire s’autoriser et se permettre de faire telle ou telle chose.

La troisième clé est un peu la conséquence du plaisir et d’oser, car c’est réussir à se réaliser, à se trouver. C’est un cheminement de quête de soi. Avoir envie, construire et consolider son métier hybride est un itinéraire, car on construit son identité professionnelle, son identité sociale et son identité personnelle. C’est comme s’éclairer de l’intérieur et développer une attitude dans laquelle on se sent comblé. Trop souvent, les personnes qui ne sont pas bien dans leur situation professionnelle, se sentent comme dans une pièce de théâtre : elles montent sur la scène et enfilent un costume de que l’on attend d’elles. Cela fonctionne un certain temps, jusqu’au moment où elles veulent juste être elles-mêmes. Le fait de réfléchir et de tenter de développer son métier hybride est une façon de dire que l’on en a marre de ces costumes de scène. Le but est de ne pas se sentir découpé dans nos différentes fonctions du quotidien et de pouvoir se sentir soi que l’on soit chez soi, au travail ou avec des amis.

 

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