UN FEU D’ARTIFICES D’ÉMOTIONS !

Dans la 1ERE partie de cet arti­cle, j’abor­dais les enjeux de ce mental en cons­tante sur­chauffe : cette façon par­ti­cu­lière de voir les choses sous un autre angle, un cer­veau qui fait des liens en per­ma­nence, l’option « inter­rup­teur » non dis­po­ni­ble, la pré­ci­sion du lan­gage et également un besoin énorme d’appren­dre.

Qu’en est-il des émotions ? Est-il vrai que le problème des personnes dites « Haut potentiel » est d’avoir un faible score au niveau de l’intelligence émotionnelle ? La sentence serait « Tu as un QI élevé alors on t’a donné un QE médiocre pour faire la moyenne » … dur dur d’être surdoué !

On a longtemps considéré que la première (QI) était le gage de la réussite professionnelle passant invariablement par un effort de réflexion, l’exercice de l’esprit, une bonne capacité d’analyse et de logique. La notion d’intelligence émotionnelle (QE) a fait son apparition dans les années 90, une forme d’intelligence qui mettrait en avant la force des émotions … pour peu qu’elles soient accueillies, identifiées et utilisées pour développer son potentiel.

GRILLE DE LECTURE DES « EMOTIFS TALENTUEUX™ »

  • Une hypersensibilité : un ressenti tout en subtilité par rapport au monde extérieur. Une capacité de ressentir les états d’esprit des autres, de se laisser toucher par une parole, un geste, un film. Une perméabilité à ce qui se passe autour lui : la personne HP peut fonctionner comme une éponge et il arrive qu’un simple changement puisse tout chambouler pour elle. C’est le cas de Claire qui raconte « Enfant, j’étais déjà capable de ressentir quand mes amies n’allaient pas bien, je savais exactement ce qu’elles vivaient et cela n’a pas changé aujourd’hui. Je vis la même chose quand je rentre dans un lieu, je sais tout de suite si je vais avoir envie d’y rester ou pas. C’est d’ailleurs difficile pour moi de me retrouver dans certains lieux publics, comme les centres commerciaux par exemple, j’ai l’impression que je prends toutes les émotions des autres, ça n’est pas qu’un avantage et il a fallu que j’apprenne à mieux me connaître pour ne pas me laisser épuiser par cela. Parfois, cela me gène car je regarde un film et je fonds en larme : dernièrement ma petite nièce m’a demandé pourquoi je pleurais en regardant Bambi … Pour parer à cet aspect, je suis dans l’hyper-contrôle en particulier au travail mais j’ai toujours l’impression d’être sur la corde raide et j’ai peur qu’un simple grain de sable fasse tout craquer un de ces jours »
  • Le sentiment de rejet, l’impression de ne pas être à sa place et la recherche de reconnaissance pour se rassurer.En fonction de son trajet de vie, de la réaction de son entourage dès la petite enfance et la construction de son identité, la personne HP assume différemment le fait d’être « différente », de se sentir parfois ou souvent en décalage avec les autres. Se sentant jugé de « trop » ceci ou « pas assez » cela, il peut lui être difficile de se situer et une faible estime de lui n’est pas rare. Paul exprime ainsi son inconfort au niveau professionnel «  J’étais en poste depuis 3 ans quand mon boss m’a proposé de travailler sur un nouveau projet. J’ai sauté sur l’occasion car j’aime les challenges. Très vite, j’ai eu une vision assez claire de la façon de l’implémenter et très vite je me suis retrouvé seul face à mes collègues qui mettaient en doute mes propositions. J’ai traversé un grand moment de solitude car je ne me sentais pas du tout épaulé par l’équipe et mon boss ne prenait pas position. C’était d’autant plus difficile que j’avais énormément travaillé pour avancer sur ce dossier, je voulais qu’il soit impeccable et c’était une manière pour moi de prouver ma valeur. Dès lors, si mon boss ne validait pas mon travail, cela signifiait que je n’étais pas sur la bonne voie, pire que j’étais nul, je me suis mis à douter et j’ai passé des nuits entières à me demander pourquoi il m’avait mis sur ce projet, quel était le piège. J’avais besoin d’être rassuré et tout dans le comportement de mes collègues me mettait en insécurité. J’en ai fait un burn-out. Seul un accompagnement thérapeutique m’a permis de comprendre ce qui s’était passé, j’ai appris à mieux gérer mes doutes et à me reconnaître moi-même. J’y arrive de mieux en mieux »
  • En arrière fond, la question « Suis-je à la hauteur ? » qui tourne en boucle. Un doute (parfois constant) sur sa capacité d’accomplir certaines tâches. Ces personnes estiment qu’elle n’ont pas de mérite et attribuent le succès de ce qu’elles ont accompli à des éléments extérieurs : la chance, un travail acharné, d’autres personnes, un concours de circonstances. Elles se considèrent parfois comme un imposteur et vivent une pression intense d’être démaquée un jour ou l’autre. J’ai entendu Christine me dire « Avant de savoir que j’étais HP, je me disais que si je savais faire quelque chose, alors tout le monde savait le faire, ça en dit long sur ma façon de me percevoir à l’époque. Je n’avais absolument pas conscience que ce que je faisait était « hors norme », ça me paraissait tellement facile, je ne voyais pas pourquoi en faire tout un plat. Pire, je me disais que certains collègues n’étaient vraiment pas futés. Aujourd’hui encore, je finis souvent mon travail hyper vite et je cherche à m’occuper en cherchant des failles à améliorer ou à aider mes collègues. J’ai peur qu’on découvre que je n’ai pas assez de travail alors que je suis si bien payée. J’ai constamment l’impression de ne pas mériter un tel salaire ».
  • Pas question de gâcher de telles compétences intellectuelles dans une profession artistique et/ou créatrice. Etre « Haut potentiel », un terme qui insinue qu’on se doit de faire quelque chose de brillant et donc le plus souvent « intellectuel » dans une société comme la nôtre qui associe traditionnellement la réussite à des compétences rationnelles. Jonas me partage « Je fais partie d’une famille d’intellectuel. Nous sommes 5 frères et sœurs et je suis le dernier de la fratrie. A part un de mes frères, tous ont fait l’université et ont brillement réussi sans compter qu’un emploi les attendait dès leur diplôme en poche. Le seul de mes frères qui a fait l’académie des Beaux Arts a été la risée de la famille, cela a été un bras de fer avec mes parents qui ont commencé par lui mettre une pression de dingue pour qu’il change d’avis. Ils ont fini par céder mais quand je vois le prix qu’il a du payer. Implicitement le message passait qu’il n’avait pas réussi sa vie et je n’avais vraiment pas envie de porter ce regard là moi aussi. Quand j’ai du décider de ma voie après mes études secondaires, j’ai choisi d’être prof, par confort plus que par vocation. Mon rêve aurait été d’être musicien, je pense que je suis doué et j’ai d’ailleurs enregistré un album avec des potes quand j’étais ado, on a remporté un beau succès. Parmi eux, tous ont fait carrière dans leur art … quand je me dis que j’aurais du suivre cette voie là, je me raisonne : j’ai un emploi stable même si ça n’est pas le job de mes rêves, je me sens reconnu par ma famille sur ce plan là et c’est sécurisant pour moi  ».

J’ai régulièrement des personnes entre 35 et 50 ans qui viennent en coaching et qui me disent qu’ils sont en train de passer à côté de leur vie. Selon les cas, certains changent de vie professionnelle et vivent de leur passion artistique. D’autres se contentent d’un travail qui leur apporte une sécurité sans qu’ils doivent s’y surinvestir et se connectent à leur passion pendant leurs loisirs afin de (re)trouver un équilibre, de s’épanouir dans leur créativité et de se sentir en vie comme le témoignent certains.

  • Un côté social atypique et une vie intérieure riche. Parmi les caractéristiques régulièrement retrouvées chez ces personnes, j’ai constaté un besoin régulier d’être seul, de s’isoler pour réfléchir, prendre du recul, se ressourcer, se concentrer sur un sujet, ou pour faire le point. Maude me dit « Je suis quelqu’un qui peut facilement socialiser et on dit de moi que je suis une extravertie mais au fond je me sens vraiment introvertie par moments. J’ai besoin d’être seule et dans de tels moments, il faut qu’on me laisse tranquille. C’est presqu’une question de survie, et dans de telles circonstances, je suis capable d’envoyer tout le monde bouler de manière très sèche ce qui me culpabilise à fond par la suite. D’ailleurs ma mère a souvent pointé cela comme mon sale caractère quand j’étais enfant. Difficile à porter pour moi. Je me sens toujours en balance entre mon envie de faire plaisir et d’être sympa avec les autres pour cultiver une image positive de moi et de l’autre côté, un énorme besoin de solitude pendant un certain temps. Le problème c’est que je ne sais jamais quand ça va m’arriver et dans ces cas là, il faut me laisser, je ne suis plus accessible aux autres, c’est comme ça je ne peux pas faire autrement. Mes proches ont appris à me connaître mais c’est assez difficile pour créer de nouvelles relations ».

Ma conviction n’est donc pas que la personne dite « Haut Potentiel » soit systématiquement née avec un faible QE mais qu’au contraire, son équilibre personnel et son bien-être passe par le développement de cette intelligence émotionnelle pour cultiver ses talents. Un quotient émotionnel se développe en cours de vie, que l’on soit HP ou pas d’ailleurs. Par son hypersensibilité, sa capacité d’empathie le HP a un potentiel extraordinaire sur ce plan. C’est d’ailleurs la combinaison de l’intelligence « rationnelle » et de l’intelligence émotionnelle qui a porté les plus grands leaders de ce monde.