Quand le mental prend le dessus

Je me sens comme un extra-ter­res­tre depuis tout petit !
Je n’ai jamais fonc­tionné comme les autres ! 
Enfant, je ne com­pre­nais pas ce qu’on me deman­dait à l’école,
pire je m’ennuyais ou je vivais de l’injus­tice. 
Je vis sou­vent de l’insé­cu­rité.
J’ai l’impres­sion d’être en déca­lage cons­tant avec la plu­part des gens.
Je suis hyper émotif, je res­sens tout ce qui se passe autour de moi…
 Surdoué, haut potentiel (HP), haut potentiel intellectuel, enfants précoces, surefficient mental, zèbre, personnalité atypique, la littérature regorge de mots pour qualifier ces personnes aux comportements « différents », des comportements et une façon d’être qui ne collent pas forcément aux schémas « classiques ».

Mal connus du public, ces termes semblent conférer une surpuissance à ces personnes sous prétexte qu’elles sont plus intelligentes que les autres. Parce que de là viennent ces idées reçues : oui aujourd’hui le surdoué est « détecté » à travers des tests de QI. 
Et pourtant, ces tests ne disent rien du vécu de l’enfant ou de l’adulte surdoué, de son rapport à son environnement, de sa façon de fonctionner, de sa capacité à apprendre, de ses freins, de ses blessures et de ce qui le porte, de ce qui l’a aidé à avancer dans le monde.

QUI SONT-ILS VRAIMENT ET QUELS SONT LEURS ENJEUX ?

Un mental en constante surchauffe qui analyse, décortique, fait des liens à grande vitesse. Une intelligence émotionnelle potentiellement énorme et pas nécessairement vécue sous l’angle d’une force, voici quelques aspects qui font partie du quotidien de ces personnes :

  • Une façon de voir les choses sous un autre angle, cela peut se traduire par un sentiment de rejet puisque « je suis le seul à voir les choses de cette manière là » ou au contraire la conviction « que tous les autres sont cons » tant SA solution peut sembler évidente et facile au HP. C’est l’exemple de Julie dans le cadre de son travail, elle me dit « dans les groupes de travail, je me sens souvent frustrée parce que très vite je vois où est le problème et j’ai des idées de solutions qui m’arrivent instantanément. Je ne vois pas du tout l’intérêt de continuer à discuter sur des détails qui ne font pas avancer. Quand je propose quelque chose à mes collègues, j’ai l’impression de débarquer d’une autre planète, d’être tout à fait à côté de la plaque tant ils restent fermés à mes propositions. Parfois, cela me donne envie de tout plaquer là d’autant que c’est arrivé plusieurs fois que la solution que j’ai proposé soit finalement reprise mais des semaines plus tard, cela ne m’est même plus attribué. Quelle perte de temps pour l’entreprise et quelle frustration pour moi »
  • Des liens envahissants  : Une idée en amène une autre, les liens se font très vite au niveau des associations d’idées. A l’image de la navigation sur internet, une information nous amène vers d’autres sites et au bout de quelques secondes, votre ordinateur comporte une série de fenêtres ouvertes. Marie me parle de son travail, elle m’explique ses difficultés dans un dossier et très vite fait le lien avec une autre collègue, ce qui lui fait penser à une activité qu’elle a partagée avec elle et nous en arrivons à parler de tout à fait autre chose. Après un moment, je lui demande le lien entre ce qu’elle me dit et ses difficultés professionnelles … un grand silence et elle exprime « en soi il n’y en a aucun et cela illustre bien ma difficulté à être centrée. Je suis curieuse de tout, j’ai constamment besoin d’explorer et de faire des liens mais souvent je m’y perds, sans compter que mes interlocuteurs sont parfois agacés parce qu’ils ne me suivent plus. Quand j’étais aux études, un de mes profs m’a conseillé d’aller de A à B sans passer par tout l’alphabet, c’était gênant mais je ne sais toujours pas comment faire pour aller droit au but dans mes explications, j’ai l’impression que je dois retransmettre l’info comme elle voyage dans ma tête. Le problème c’est que je perds une partie de mes interlocuteurs en route. »
  • Option « interrupteur » non disponible : La vitesse de traitement des infos est un des éléments marquant au même titre que la « veille » continue. Damien illustre son mental surefficient à travers l’image d’un hamster qui tourne dans sa roue, il dit « ça ne s’arrête jamais. Je pense à toute une série de choses tout le temps et même pendant que je fais une série d’activités. Ce qui implique que je ne sais jamais profiter du moment présent, j’anticipe et cela peut me stresser, voire m’angoisser parce que j’ai l’impression que je n’ai aucune prise sur ce mental en surchauffe. J’essaie alors de m’occuper avec des activités plus prenantes, c’est comme ça que j’ai commencé à jouer aux jeux vidéos. Pendant que je me concentre, je ne pense plus à autre chose mais le problème c’est que je ne décroche plus et que cela m’empêche de dormir parce que quand je vais me coucher après avoir joué, c’est comme si je continuais le jeu dans mon sommeil et je dors hyper mal. Je ne sais plus quoi faire pour arrêter mon cerveau »
  • La précision du langage comme objet de discorde. La précision des mots et du sens donné à une phrase peut aussi bien participer à la clarification dans les échanges comme cela peut parfois amener à des surprises. Pour certains, le langage est fluide et recherché tant au niveau écrit qu’oral. D’autres, attachés à leur perfectionnisme, n’ont pas accès à cette fluidité, ce qui peut agacer certains interlocuteurs qui vivent mal la longueur des explications aussi pointues. 
    Chez certains la recherche des mots justes peut prendre une tournure plus délicate ainsi que le témoigne Robert « Je venais de faire une nouvelle rencontre amoureuse et ma copine m’avait dit qu’elle n’avait pas de télé. La première fois que je suis allé chez elle, il y avait une belle grande télé dans le living. Dans mon esprit elle m’avait menti et ça m’a pris plusieurs jours pour lui en parler. Quand j’ai enfin pu lâcher ma colère et aborder le sujet, elle m’a expliqué qu’elle n’avait pas la télédistribution, ni d’antenne ce qui ne lui donnait pas accès aux programmes. Pour elle, c’était ce qu’elle appelait « ne pas avoir de télé ». Quand même, je trouve sa manière de dire les choses pas très juste  ».
  • Une envie d’apprendre qui se traduit, dès l’enfance, par une multitude de questions à l’entourage proche, des lectures, des recherches via internet ou des formations dans divers domaines. Patrick explique « Enfant, je tannais mes parents avec 50.000 questions, je voulais tout savoir sur tout. Ma mère me disait souvent en riant « elle est où la télécommande pour te mettre sur pause ? », certains de mes professeurs ont d’ailleurs cassé cet élan parce que, selon eux, je me monopolisais trop l’attention en classe. Aujourd’hui, dès que je peux, je m’inscris à une formation proposée dans mon entreprise car ça me permet de faire plein de liens et de mettre tout ce que j’ai appris en application dans mon métier. Le choix de l’entreprise dans laquelle je travaille a d’ailleurs été influencé par cette possibilité d’apprendre, c’est vital pour moi »

Bien sûr, ces aspects sont ceux que l’on retrouve de manière courante et il y a bien d’autres éléments que ceux abordés ci-dessus. L’intelligence ne se limite par à un QI, l’intelligence émotionnelle et relationnelle sont également des axes de développement pour les HP. J’y reviendrai dans une série d’articles afin de mieux cerner les enjeux de la douance.

Comme l’exprime Marie « C’est pas le tout d’avoir un QI élevé, tu as tout le package qui vient avec. Parfois j’ai eu l’impression que c’était un cadeau empoisonné mais maintenant j’ai appris à accueillir ce que cette différence m’apporte. Quand je ne me sens pas à ma place j’arrive à prendre du recul à travers cette lecture HP. Je me comprends mieux et dès lors, je peux plus facilement apporter une réponse appropriée à ce que je vis. Je me sens plus sereine  »

Reconnaître sa douance c’est aussi se permettre de mieux comprendre son fonctionnement, c’est devenir plus conscient et donc (re)devenir acteur de sa propre vie pour mettre en œuvre les moyens qui vont ouvrir à de nouvelles possibilités.