Avant de faire le lien avec les personnes à haut potentiel, plantons d’abord le décor :
Quel lien entre troubles du comportement alimentaire et émotions ?
Ce n’est pas un scoop, émotions, affection et alimentation sont indéniablement en lien. L’aliment sert souvent à remplir, à amortir, à apaiser, à consoler, à étouffer une émotion désagréable ou des circonstances de vie difficiles. Il s’agit donc d’une réponse adaptative à la difficulté de gérer ses émotions.
Les émotions peuvent tout aussi bien être déclenchées par des pensées et des ruminations que par une situation concrète.
Les troubles du comportement alimentaire sont par conséquent illustratifs de ces montagnes russes émotionnelles auxquelles on tente d’échapper à travers la nourriture. Les crises d’hyperphagie, les grignotages à répétition et la boulimie émergent alors pour tenter de neutraliser ou fuir ce désordre émotionnel.
Monopolisée par cette « addiction », la personne met temporairement ses autres soucis de côté. Son focus est dévié sur la nourriture et sur les conséquences qu’une crise peut engendrer. Pendant tout ce processus, les autres problèmes passent au second plan. Si le comportement se répète, un conditionnement bien rodé s’installe et à chaque fois que nous sommes confronté(e)s à des émotions trop fortes, agréables ou désagréables, le processus s’enclenche comme un mode automatique.
Personnes à haut potentiel et émotions, le point sur la question
Rappelons tout d’abord qu’il y a autant de variétés de HP que de non-HP. Toute personne hypersensible n’est pas nécessairement HP et tout HP n’est pas automatiquement hypersensible. Néanmoins, la majorité d’entre eux témoignent de cette difficulté à nommer et à gérer leurs émotions.
Qu’est-ce qui se joue ?
Premièrement, les personnes à haut potentiel ont généralement tendance à capter plus intensément les choses dans leur environnement. Elles sentent davantage l’impact direct de leurs émotions.
Deuxièmement : le système cognitif a l’art de démarrer au quart de tour. C’est alors qu’un magnifique questionnement se met en route : un questionnement sur le pourquoi de leur ressenti, un questionnement sur ce que l’autre a voulu dire réellement, un questionnement sur l’humain, un questionnement sur leurs réactions (ont-elles été appropriées ou non ? )…Bref, un feu d’artifice enclin à brouiller les pistes et à amplifier le côté anxiogène de la situation vécue.
Pris dans ce traitement cognitif, la personne aura d’autant plus de difficulté à nommer clairement ses émotions. Bien sûr, tout individu est influencé par son système de pensées, mais la personne HP voit ce système prendre une ampleur considérable. Et comme son imagination et sa réflexion peuvent l’emmener très loin, la vague émotionnelle peut, par la même occasion, durer beaucoup plus longtemps que chez une personne non HP.
Nous nous retrouvons alors avec la séquence suivante :
- Une émotion de départ plus intense.
- Un traitement cognitif de cette émotion et de la situation qui amplifie le tout.
- Une imagination pouvant aller tellement loin, que l’intensité émotionnelle peut perdurer dans le temps.
Rappelons-nous aussi que si les personnes HP ont les armes nécessaires pour comprendre intellectuellement ce qui se passe, elles n’ont pas toujours les outils appropriés pour le gérer sur le plan affectif. Ce sont donc les aspects d’hyperempathie et d’hypersensibilité qui peuvent conduire les personnes HP à se réfugier dans des troubles du comportement alimentaire. Si la personne HP dispose souvent de ce don de « sentir » ce que les autres vivent et de percevoir plus rapidement ce qui se passe dans son environnement, ce don a aussi son revers.
Les émotions des autres sont absorbées et c’est un peu comme s’il était à la place de l’autre. Seulement voilà, à force d’éprouver toute une série d’éléments provenant de l’extérieur, il a parfois beaucoup de mal à s’en détacher et à prendre du recul ! Tous ces stimuli finissent par envahir la personne HP qui ne sait plus comment situer le « soi » par rapport aux autres. In fine, les émotions et les sensations internes personnelles deviennent confuses, et le sentiment d’exister en tant que personne propre s’amenuise. L’individu est bombardé par cet extérieur et une fois seul, il est peut-être confronté soudainement à une sensation de vide.
Entre un vécu extérieur phagocytant et un vécu intérieur proche du néant, les compulsions alimentaires trouvent une place de rêve ! Manger devient l’occasion de percevoir son propre corps, ses propres sensations et d’être rempli(e) de quelque chose ! Le corps existe à nouveau…On existe donc à nouveau… Il reste évident que les effets sont éphémères et que le prix à payer est souvent douloureux. Mais sur le coup, manger permet de renouer avec soi.
En même temps, comme l’extérieur est perçu comme intense, la personne HP aura parfois tendance à remplir encore et encore sa vie de stimuli pour échapper à ce vide intérieur qui la ronge. D’où un rythme de vie particulièrement soutenu.
Tant que l’individu est hyperactif, il se donne à fond et oublie le reste : le temps file, des repas peuvent être sautés, la fatigue et la douleur sont aisément niées…La personne fonctionne à du 200 km/heure et s’investit énormément dans ce qu’elle fait.
La question de manger ne se pose alors pas…Pas encore !
Évidemment, l’organisme ne peut tenir longtemps à cette vitesse-là ! Les périodes d’hyperactivité vont ainsi s’alterner avec des périodes où tout chavire : l’individu aura du mal à bouger, il sombrera dans les compulsions alimentaires (ou autres addictions), il se sentira épuisé et amorphe. Si bien que pour beaucoup, le soir, quand le boulot s’arrête, quand la confrontation aux éléments extérieurs s’estompe, quand le « soi » devient confus, la nourriture va jouer son rôle…Manger sans compter va alors avoir une fonction « libératoire », du moins dans un premier temps.
La personne hypersensible se sent ainsi prise entre deux feux : un monde externe en partie perçu comme menaçant et où l’on s’oublie, et un monde interne vide de toutes substances vitales.
On pourrait résumer les choses comme suit :
« Trop de proximité avec les autres me bouffe, trop de distance et je bouffe »
Dans le cas de l’hyperphagie, la prise de poids va par la même occasion engendrer une distance symbolique entre soi et l’autre. Les kilos forment ainsi une bulle protectrice, une sorte de coussin pour amortir tout ce qui vient de l’environnement.
Pour s’en sortir, tout l’enjeu sera de trouver la juste distance entre l’autre et soi.
La personne devra apprendre à se détacher de tout ce qu’elle perçoit. Ressentir, elle ne pourra pas s’en empêcher ; ce qu’elle va devoir trouver, ce sont des outils pour, ensuite, prendre distance avec ce qu’elle a absorbé, des stratégies pour pouvoir prendre du recul et prendre conscience de ses propres besoins. Un équilibre sera à trouver entre le dedans et le dehors. Le travail sera d’accéder à une consistance propre au travers de ses qualités, de ses ressources plutôt que de laisser la nourriture nous donner cette consistance.
Article écrit par Florence Bierlaire, oratrice du congrès 2016 et 2017
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Super bon article sur les liens entre la bouffe, les émotions et la relation à l’autre. Je proviens d’une famille dysfonctionnelle et lorsque j’étais enfant, on me forçait à manger des légumes cuits alors que j’en avais horreur. Je pesais 36 livres à mon entrée à l’école et l’infirmière a téléphoné à la maison pour dire à mes parents que j’étais sous-alimentée ( anorexique) ! Je me suis demandée si le fait que ma mère ne m’a jamais aimé et le fait que je rejetais sa nourriture était relié. Le coeur me levait sur tout ce qu’elle préparait !!!
Lorsque mon père est décédé, je suis passée de 129 livres à 170 livres pour me protéger du reste de la famille. De 40 ans à 48 ans, j’ai bouffé mes émotions et je suis devenue diabétique. Je mangeais tout ce qui contenait du chocolat. Une dépendance au chocolat !!! J’ai dû retourner en thérapie pour une troisième fois parce que j’étais devenue encore une fois dysfonctionnelle. Je n’arrivais plus à fonctionner nulle part. J’étais paralysée par la peur et je m’empiffrais de chocolat sous toutes ses formes pour camouffler mon mal-être et me protéger de l’extérieur.
Magnifique article ! Très éclairant et déculpabilisant. Merci pour ce travail de recherche et de vulgarisation aussi informatif qu’empathique. Je ressens bien plus de compassion et d’indulgence à mon égard. Comme quoi comprendre les choses aide vraiment à avancer. MERCI. Vraiment.
Personnellement, j’ai commencé l’hyperphagie quand j’avais 4-5 ans, je mangeais tellement aux repas que j’allais me cacher dans la cave à cause de mon mal de ventre d’avoir trop mangé. J’ignore le pourquoi d’un tel comportement à cet âge, juste des suppositions mais le plis était pris et je suis devenue obèse car si les causes ont changé, le comportement est resté le même; Si je stresse, je mange et j’ai maintenant 64 ans, diabétique avec plein d’arthrose. Il faut dire quand même que maintenant je mange moins et que je ne grossis plus, je pense avec l’aide d’une psychothérapie.
Quelle limpidité!
Cet article m’éclaire sur ma relation à la nourriture. Aprés ma 1ere déception amoureuse à 17 ans (il aimait être amoureux il ne m’aimait pas moi) j’ai avalé des quantités de dingue. Depuis 35 ans j’ai alterné les périodes (hyper)actives et les périodes molles, et ma relation à la nourriture a suivi le rythme inverse. Les grignottages sucrés de 17 h quand monte l’anxiété sont chroniques. Et forcément maintenant je suis une « dondon »! Je n’ai pas trouvé la bonne distance avec mon mari ou avec mes filles. Et j’engloutis mes repas avec une avidité démesurée. OUI je me reconnais bien là. Et je voudrais retrouver des relations apaisées avec moi meme, les autres et la nourriture.
La question est: comment trouver un professionnel qui soit suffisamment informé pour aider les personnes concernées?..
Selon vois la personne qui a écrit cette article n est pas une professionnelle ?
Cet article va à l essentiel mais pour une personne qui est « prête » pour en comprendre le sens. J ai 64 ans, issu d une famille dysfonctionnelle. Mon cerveau était trop occupé à trouver les moyens de survivre qu il avait des problèmes pour mémoriser. D ou difficultés pour étudier. D ou situation professionnelle en dessous de mes capacités. Extrêmement dur à vivre. Situation privée proche du zéro (j allais écrire néant. Mais non je suis le contraire de cela je le sais et l’accepte maintenant. Etre HP dans une famille toxique, pn, est très compliqué. J ai glané, lu, écouter, suivi des conférences, des séances psy, etc. pour comprendre ce qui m arrivait. J ai attiré tous les pn possibles. Mais j étais toujours profondément consciente que ce n était pas le genre de personnes et de situations que je voulais côtoyer et vivre. Cette conscience profonde des choses et des etres m a sauvée. Vraiment sauvée. Votre article m a fait prendre conscience de mes addictions successives: alimentation, boissons plus modérément, sport. J ai viré les toxiques et pn en tous genres, mis de la distance avec ma fratrie qui essaie toujours de trouver des liens. aujourd’hui j’ai conscience que mes facultés aiguisées peuvent être une force incroyable d énergie vitale si elles sont bien employées, que d’être HP me différencie certes mais j en suis fière. Je ne voudrais certainement pas ressembler au troupeau bêlant. Mais j aimerais faire partie des HP (ou non HP mais ne faisant pas partie du troupeau) qui réussissent à concrétiser leur vie, leurs relations. A s inscrire dans le courant de vie. Ne plus être spectatrice. Être créatrice de ma propre vie. Ne plus subir. Vivre ma vie quoi.
Mille merci pour cet article
Cordialement
Merci pour ce super article. C’est la première fois que je lis un texte aussi clair et qui m’explique sans me culpabiliser mon hyperphagie que j’ai depuis plusieurs dizaine d’années. J’ai 69 ans et enfin je trouve une explication qui a un sens pour moi. Je suis sûre que je vais enfin pouvoir apprendre à écouter mon corps sans me laisser envahir par les émotions que je ne ressentais même pas. Je me définis comme hypersensible mais qui avait bloqué ses émotions pour ne plus souffrir depuis mon adolescence.
Merci pour vos témoignages poignants. Je suis dans la tendance inverse, j’ai passé une petite phase de boulimie, et je trouve que c’est bien plus douloureux que l’anorexie. Les conséquences sont différentes et en même temps similaires. Tout le système digestif et autres, par conséquences, sont déréglés. . Avec des douleurs épouvantables.
Je vous envoie tout mon soutien.
Pascale.
J ai connu des dérèglements dus au stress chronique et à une alimentation de réconfort qui ont provoqué de l inflammation chronique dans tout mon organisme: intestincs, articulations genoux, dos, problèmes dentaires très importants
Un retour à une alimentation saine a déjà de très bons résultats
Si c est votre cas vous pouvez aller jeter un œil sur le blog de Marie Kelenn. Plein de conseils
Merci pour ce message positif. Je vais aller voir le blog indiqué.
Que le meilleur vous accompagne.
Pascale.
Je confirme l’aspect blocage émotionnel auquel je dois réapprendre à me connecter.
Très bel article qui résume bien la situation, merci pour ce partage. Un travail sur les émotions est impératif afin de redécouvrir l’enfant qui est en nous. Le problème c’est que nous manquons cruellement de personnes vraiment formées et avec des compétences sur le sujet. Tout dépend où nous résidons . Cela reste peu accessible à une certaine population malheureusement. Au plaisir de partager. Gratitude.
Article intéressant et perturbant personnellement. Par contre, qu’en est il de l’explication de l’anorexie?
Merci.
J’ai mis des dizaines d’années à comprendre ce qui est si bien expliqué dans cet article. Ça fait tellement de bien. Merci