Nous avons tous vécu un moment où nous étions tétanisés sans savoir quoi dire face à un public. On se met à bafouiller, à bégayer, on perd complètement nos moyens, même si on connaît bien notre sujet.
La haute sensibilité a-t-elle un impact sur ce type de situation pas très agréable ? Comment pouvons-nous y faire face sans pour autant se torturer, avant, pendant et après ce que l’on a dit ou pas ? Comment être capable d’exprimer les choses avec fluidité, aisance et naturellement, en fonction de ce qui est important pour nous ?
Catherine Séru, formatrice de prise de parole en public, nous partage son point de vue.
PERDRE SES MOYENS EN PUBLIC : QUELLE CAUSE ?
Cela vient du fait que nous avons appris à parler par imitation en entendant une langue ou une autre.
Au départ, nous sommes équipés pour toutes les langues. Le fait que cela soit une imitation fait que nous n’avons pas confiance en nous sensitivement lorsque nous parlons. Au moment où nous avons besoin de mobiliser les outils, nous ne savons pas lesquels, ni de quelle façon.
L’émotion, qui vient par ailleurs de la situation stressante dans laquelle on se situe, nous empêche définitivement d’avoir accès à cela. Divers symptômes peuvent venir pour nous embrouiller la tête : on tremble, on a le cœur qui s’emballe, on blêmit, on rougit, on a la bouche sèche, on oublie ce que l’on a à dire, on a des tics verbaux “heu, heu“…
C’est le malaise pour nous, et c’est l’ennui et l’incompréhension pour le public. La compréhension est essentielle, car dès qu’il y a un public, il y a un enjeu qui s’installe.
L’entourage dans lequel on a évolué peut avoir un impact : on va être naturellement plus enclin à parler facilement. Les HPE et HPI ont une sensitivité qui est très importante. C’est ce que l’on nomme aussi l’hyperesthésie : on est privé de notre corps et en même temps, on a une aptitude à renouer avec une sensitivité précise. Cela va faire écho, car ce sont ces outils que l’on va monopoliser. Et même si on a un entourage qui parle très bien, il faut que l’on fasse avec nos propres moyens à notre disposition.
La sensitivité : pourquoi la réapprivoiser ?
La sensibilité va nous éloigner alors que la sensitivité, au contraire, si on la travaille avec la méthode que propose Catherine, va nous permettre de reprendre conscience précisément de tout ce que l’on utilise pour parler.
Cela peut être un travail difficile pour ceux qui sont déconnectés de leur corps. Mais à l’issue, ils ressentiront un profond bonheur de se reconnecter avec leurs sensations.
On utilise d’abord la respiration pour émettre des sons : c’est quelque chose qui se passe dans la bouche pour que cela soit articulé. C’est cela que l’on réapprivoise : ce sont des outils dont tout le monde peut se servir. C’est comme si on reprenait conscience du mouvement, de la parole, et du son qui sort. Comme on va avoir une conscience en soi plus fine et plus importante à la fois, on sera plus présent, mais avec le seul objectif d’avoir une logique de destinataire. C’est-à-dire, que cela soit notre interlocuteur le plus important, et que nous allons utiliser tous ces outils car on veut qu’il entende, qu’il comprenne, ou encore qu’il soit convaincu.
Les mécanismes à connaître pour mieux se préparer
Catherine imagine cela comme une boîte à outils composée de quatre outils auxquels s’ajoute la respiration.
Le premier outil sera l’articulation : le travail est de savoir, pour le français, les deux sortes de lettres qui existent.
Les consonnes vont être le squelette qui permet à notre parole de tenir debout. Puis il y a les voyelles, ou les phonèmes voyelles, qui sont la résonance, qui sont la chair ; tout cela va faire notre parole, les sons qu’on va sortir.
En français, il y a la spécificité d’articuler en « cul de poule“, parce qu’il faut muscler les lèvres. On a beaucoup de sons labiaux : b, p, v, f, m, n…
En découvrant cette technique et en la pratiquant, on se rend compte que cela va au-delà de la prise de parole en public : c’est une prise de parole et une maîtrise de son corps qui procurent constamment du bien-être. C’est une des clés pour être bien quand on parle, pour convaincre son entourage sur ce que l’on a à défendre, et se sentir bien avec soi-même. Il existe des exercices spécifiques avec lesquels on s’entraîne pour mieux articuler.
Le second point est de parler par groupe de mots : c’est très simple, il faut séparer sa parole par groupe de mots. Cela permet de placer les inspirations, de remettre sa bouche correctement pour pouvoir bien articuler et surtout, de penser à la compréhension de celui qui nous écoute.
Le troisième mécanisme sera l’alternance de rythme dont on dispose. C’est une alternance qui a des règles à suivre. Il y a des choses qui se disent lentement, et d’autres plus rapidement. Les mots qui se disent lentement sont les mots en monosyllabe. Par exemple, si vous prononcer très rapidement « une fourmi sort à pas lents”, puis la même phrase ensuite plus lentement, vous remarquerez que la seconde manière est bien plus compréhensible. L’interlocuteur comprend de suite, car on a respecté son écoute, son sens.
En revanche, les incises se disent rapidement, avec un timbre de voix différent, car c’est quelque chose qui n’est peut-être pas nécessaire à notre récit. Néanmoins, si on tient à le dire, c’est parce que nous souhaitons faire passer un détail supplémentaire. Tout cela, on le fait naturellement quand on est détendu. C’est au moment où on a de l’émotion que l’on n’arrive plus à monopoliser cela, et c’est pour cette raison qu’il faut en prendre conscience pour le travailler un minimum.
Le dernier mécanisme sont les attaques et les finales de nos phrases : conduire sa parole, c’est comme conduire une voiture. On démarre le contact, on va se balader parfois vite, parfois lentement, on tourne, on fait des biais, on revient, on se gare et on éteint le contact. Beaucoup de personnes vont prononcer des mots indistinctement. Quand on fait tous les efforts nécessaires pour que notre interlocuteur nous comprenne, on n’a plus besoin de penser à ce petit égo qui nous fait peur en se demandant ce que l’on va penser de nous.
Il faut s’exercer à parler par groupe de mots pour nous permettre de réinventer notre discours, en sachant où on va, tout en prenant notre temps. C’est un entraînement qui va faire la différence. Les exercices de respiration et d’articulation, ainsi qu’un entraînement perpétuel que l’on fait naturellement vont vraiment aidés. On a alors l’impression de ne plus penser à ce que l’on va dire, car on sait ce que l’on va dire.
maîtriser sa respiration et son rythme de parole
Le stress fait que le débit de parole va plus vite, ce qui engendre que l’on n’a plus le temps de réfléchir. Il est important d’avoir un tempo beaucoup plus lent pour réfléchir à ce que l’on va dire ensuite.
La respiration est essentielle pour la prise de parole. On est comme des nageurs synchronisés qui ont un pince-nez et qui n’ont qu’un dixième de seconde pour reprendre leur respiration. Quand on a un débit important parce qu’on fusionne des idées, on a un très court laps de temps pour inspirer. Pour cette raison, on arrive au bout de son souffle, et on prend une voix plus aiguë parce que l’on n’a plus d’air. C’est l’air qui fait la puissance, et le médium qui fait que l’on a l’air plus détendu, même si on ne l’est pas.
On a cette spécificité de reprise d’air qui fait que cela nous entraîne : le diaphragme est comme un parachute, et fonctionne comme une pompe. Il descend, et c’est de cette façon que les poumons se remplissent d’air. Ensuite, en descendant, il se ramollit. Puis, pour redonner au diaphragme sa forme de parachute, ce sont nos abdominaux et notre diaphragme pelvien qui vont faire le travail.
On revient à la sensitivité possible qu’ont les HPE et les HPI. Il faut s’entraîner à sentir le diaphragme qui s’abaisse rapidement. L’idéal serait de faire plus de petites inspirations, mais suffisamment grandes pour ne pas se trouver avec une pipette d’air. Sinon, on va reprendre de l’air tous les deux mots et ce n’est pas le but. Il faut avoir la liberté de prendre sa respiration quand on en a besoin. Se demander si on va avoir suffisamment d’air peut troubler les personnes qui doivent prendre la parole en public. Suivant nos expériences de prise de parole, on peut se rendre compte que l’on a le temps de prendre notre respiration, sans avoir peur du silence, si c’est une inspiration.
Quand on raconte des histoires aux enfants, on fait naturellement ces silences et ces inspirations pour donner du rebondissement au récit. Quand on est dans une présentation professionnelle, on ne s’autorise pas à poser des silences, même si on sait le faire. C’est terrible, car on ne s’y autorise vraiment pas alors qu’en réalité, on ferait la différence avec les autres candidats.
Par exemple, pour les personnes qui se présentent à une offre d’emploi, il est important de ne pas hésiter à bien prononcer leur nom de famille. Pour elles, cela peut paraître évident. Mais si elles le disent rapidement, l’interlocuteur peut se sentir mis en danger de ne pas avoir compris ne serait-ce que leur nom. Alors que si elles prennent le temps de prononcer distinctement leur nom en inspirant avant et en articulant correctement, cela est beaucoup plus compréhensible. Quand on répond au téléphone, c’est la même chose, car on ne voit pas la personne avec ses mouvements de lèvres, et on se doit de prendre le temps de parler distinctement. Même en visio, on est obligé d’être plus attentif à sa façon de s’exprimer.
La technique de reprendre de l’air rapidement et avoir assez de volume d’air pour parler est exactement la même technique que l’on utilise quand on chante. Il y a beaucoup d’air qui passe par la membrane, ce qui fait que l’on peut parler ou chanter amplement.
faire face à la peur du regard des autres
Quand on s’exprime, on occupe sa place ou on tente de l’exprimer. On a envie d’être entendu et compris par la personne qui est face à nous. Chez certaines personnes concernées par le haut potentiel ou la haute sensibilité, quand il y a un conflit ou qu’elles pensent qu’il y en a un, cela leur est moins évident émotionnellement de prendre la parole, car elles sont dans cette crainte de l’autre.
Dans ce cas là, que l’on soit ou pas HPE ou HPI, il ne faut pas regarder l’autre en tant que tel, mais se recentrer sur soi, sur les mécanismes que l’on a travaillés. Pour ne pas se sentir déstabilisé, la possibilité est de revenir à soi. Pas dans le regard de l’autre qui peut être inquiétant, mais avec son propre regard du travail que l’on a envie de faire.
En fonction de notre histoire de vie, on peut travailler individuellement. Mais certaines personnes peuvent avoir besoin d’avoir en parallèle une aide extérieure comme le propose Catherine.
Il faut avoir une attention très fine envers nos sensations physiques qui sont liées à la parole. C’est la conscience des sensations qui fera la différence.
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