Il existe manifestement un décalage entre une personne douée d’une certaine sensibilité ou intelligence, et une personne qui n’en est pas pourvue au même niveau. Il ne s’agit en aucun cas de juger mais de comprendre : ce décalage est un écart – comment le combler pour établir un pont qui permettra de véhiculer des émotions, des pensées, en un mot d’établir une communication de confiance ?

 

un bagage plus développé

 Il s’agit avant tout de construire un partage social. S’il ne peut avoir lieu la personne à multipotentiel (intellectuel et / ou sensible) va spontanément chercher à le rétablir. Cette démarche simple peut déjà présenter quelques difficultés.
Une personne à haut potentiel bénéficiera d’un stock lexical plus développé – et donc une approche du sens plus pointue, la nécessité d’user de mots justes et précis. Avec, en face, l’attente de la même précision, de la même justesse et qui, si elle n’est pas offerte en retour, génère de la frustration.

Autre difficulté : la catégorisation mentale. La pensée très vive, très dynamique, parfois qualifiée d’arborescente, des personnes à haut potentiel, amène une capacité de compréhension et de catégorisation très élevée. La sémantique est plus riche, les connexions sont plus rapides et plus diverses.
Les concepts se rapprochent de manière intuitive, une idée en amenant une autre. Cette capacité induit une idée de
fulgurance qui déstabilise la personne avec qui l’on souhaite établir le contact : comment celle-ci pourrait-elle suivre une conversation avec, face à elle, quelqu’un qui a en permanence deux trains d’avance ?

 

s’adapter à tout prix ?
 

La stratégie d’adaptation inconsciente qui se met en place dès le plus jeune âge chez le haut potentiel va spontanément permettre de combler cet écart. Il va s’agir de manière spontanée de s’adapter, de ralentir, afin de permettre l’établissement d’une communication normalisée. Avec un inconvénient : cette adaptation permanente génère chez la personne une fatigue forte, incontournable et pérenne – aussi longue que sera l’échange. Il faut réduire la matière, le sujet, le débit, banaliser les idées…voire tout cela ensemble. C’est un travail permanent. Éprouvant. Frustrant.

C’est le même principe qui s’applique au bagage culturel. Curieuse, dynamique, cultivée, la personne à haut potentiel ou haute sensibilité absorbe et enregistre un très grand nombre d’informations. Cet ensemble constitue un précieux bagage que le sujet s’emploie, pour son propre épanouissement, à enrichir en permanence. Si la démarche n’est pas partagée avec l’interlocuteur, il se creuse là aussi un écart cognitif qui ne permet d’avoir un échange aussi profond qu’il pourrait l’être. Si le référentiel culturel n’est pas partagé, l’échange devient très complexe, voire impossible.

 

LE RôLE DE L’IMPLICITE

Autre élément susceptible de creuser l’écart de communication : l’implicite. Il relève d’un exercice de double langage (l’un verbalisé, l’autre induit) qui correspond rarement à la manière de fonctionner des hypersensibles ou haut-
potentiels. Pour ces derniers, un mot a un sens…et un seul. Une consigne est claire ou ne l’est pas. Une demande est explicite ou n’est pas une véritable demande. Autant de cas de figure qui font de ces sujets d’excellents collaborateurs dans le cadre d’entreprises bien normées, mais de piètres interprètes des liens sociaux implicites qui, parfois, en entreprise, sont aussi importants que les liens hiérarchiques explicites.

Ce sera le même principe en couple. Pour s’en sortir, le haut- potentiel ou l’hypersensible enverra de multiples signaux pour voir si l’autre les capte, y répond, est au niveau, affiche de la consistance, de la pertinence, voire sur-élève le niveau. Avec deux solutions possibles : l’interlocuteur répond et la personne hypersensible ou haut potentiel s’ouvre, s’épanouit. À défaut de réponse, elle peut partir ou, au besoin, accepter de vivre avec cet écart. Par peur de rester seul, d’être rejeté, ou parce qu’il est psychologiquement moins couteux de rester en couple déséquilibré…plutôt que seul avec soi-même.

 

c’est dans la tête !

L’hypersensibilité est intimement liée au raisonnement perceptif (capacité de raisonnement et d’organisation à partir d’un matériel perceptif ) qui a lieu – ou pas – au fil de l’échange. C’est un procédé neuro-biologique, lié au lobe pariétal qui permet d’“hyper-capter“ ou non l’information. L’hypersensibilité, innée, dépend de cette activation corticale. En d’autres termes, la personne hypersensible est d’autant plus stimulée qu’elle peut capter un maximum d’informations.

Les hypersensibles ont donc, par essence, un raisonnement perceptif très fort. Avec ces données, le risque est donc d’une communication en décalage : la personne hypersensible ou à haut potentiel ne voit pas, n’analyse pas, ne ressent pas les mêmes éléments de son environnement qu’une personne non concernée. Dès lors, comment établir une communication harmonieuse si l’on ne voit pas la même réalité ?

 

MÉTÉO, FREELANCE : LES SOLUTIONS DE REPLI

Dans une situation du quotidien, sans grande envergure, il suffira le plus souvent de revenir à ce que les anglo-saxons appellent le “small talk“ : la météo, les enfants, les vacances. Ces “plus petits dénominateurs communs“ qui
demandent à la personne à haut potentiel ou haute sensibilité un effort d’adaptation considérable mais permettent, malgré tout, d’échanger quelques banalités et de construire un lien social, si ténu soit-il.

En revanche, cette possibilité de repli conversationnel n’est pas envisageable dans la sphère professionnelle. Comment s’intégrer dans une équipe ou répondre à des objectifs s’ils ne sont pas compris de la même manière, et que les moyens d’y parvenir ne sont pas partagés ? C’est notamment la raison pour laquelle les HP ou hypersensibles s’engagent parfois dans la voie du travail indépendant.

Cet écart de mode de communication peut-il être comblé ? Bonne nouvelle : oui, il le peut ! Mais la balle est aussi du côté de l’interlocuteur. Il appartient également à ce dernier de vouloir comprendre, manifester l’envie de progresser pour se mettre à niveau. La personne HP ou hypersensible a la capacité de comprendre que l’autre n’a pas, lui, les moyens de partager le même matériel (perceptif, sensoriel, culturel), mais sera très sensible en sa volonté manifeste d’y parvenir. Avec, le plus souvent, un rejet total de toute forme de paresse à ne pas vouloir y parvenir. Un refus de médiocrité, en quelque sorte, qui caractérise la plupart des haut-potentiels et hypersensibles, et de leur communication

Cet article est issu du second numéro du magazine « Regards Pluriels sur le Haut Potentiel ». Pour vous abonner gratuitement et recevoir mon actualité, cliquez sur le bouton ci-dessous :