Que nous soyons concerné par le haut potentiel et/ou l’hypersensibilité, nous avons tous, à un moment ou un autre, vécu des relations un peu plus compliquées que d’autres. Parfois, elles deviennent même toxiques. En tant que personne concernée par la douance, sommes-nous plus enclins à nous glisser dans ce type de relations ? Quels seraient les points de vigilance et les aspects à garder à l’esprit, lorsque l’on est confronté à ce genre de situation ? Comment s’en prémunir et surtout, comment bâtir une base saine en début de relation ?
Ce sont les points que nous allons aborder avec Laurie-Anne Casabianca, Gestalt thérapeute et coach professionnelle.
« Relations toxiques » : de quoi parle-t-on ?
Pour Laurie-Anne Casabianca, une relation toxique est une relation dans laquelle on se retrouve à ne plus pouvoir être soi de façon libre. De façon très schématique, c’est une relation dans laquelle finalement, on ne sait comment faire pour convenir à l’autre. Ou bien, ce sont les besoins de l’autre qui priment par rapport à nos besoins ou encore, on peut être perdu dans les exigences de l’autre à tel point que l’on ne sait plus se connecter à ce qui est là pour nous.
Les modalités d’exister dans une telle relation sont très fermées, et le risque serait de s’éteindre et ne plus pouvoir exister, tout simplement : ne plus être là en fonction de ce qui se passe, avoir la sensation d’être sur le fil, de marcher constamment sur des œufs. Pour chaque personne, cela peut être perçu différemment.
Les signaux qui devraient nous alerter
Il n’est pas toujours évident de se dire que l’on est dans une relation toxique. Certains signaux peuvent être le fait de recevoir beaucoup de critiques, d’avoir l’impression de se faire avoir, ou de se sentir dans la honte de façon répétée, avec la même personne ou dans la même situation. Cela peut également concerner des cas de violence : comme la violence verbale.
Quand nous sommes dans des relations toxiques bien installées, cela peut aller jusqu’au chantage, ou la manipulation.
Ce qui est très typique de la relation toxique, est ce que l’on appelle le « chaud et froid ». C’est-à-dire qu’un jour, on va vous faire des compliments; le lendemain, la même personne va vous faire sentir plus bas que terre et le surlendemain, elle va vous faire à nouveau des compliment. C’est un système dans lequel on est à attendre le chaud, même si on est dans le froid. On espère et souvent, c’est pour cela que l’on reste avec cette personne. Cela fait partie des choses qui sont très difficiles à désamorcer.
hauts potentiels : plus enclins à ce type de relations ?
Cette communauté peut être particulièrement sensible à cela. Curieusement, il y a un lien entre la douance et les relations toxiques, car les personnes douées sont d’excellents candidats à la maltraitance et à l’abus.
Effectivement, on constate cette fameuse différence qui fait qu’avec l’hyper émotivité, l’hypersensibilité, l’hyper sensitivité, il peut y avoir un sentiment d’exclusion. Avec cette pensée en arborescence, cela amène des difficultés à comprendre son propre mode de fonctionnement. Ce sentiment d’exclusion est difficile à supporter.
Certaines personnes concernées par la douance sont en recherche d’appartenance, et cela peut conduire à se conformer, parfois à son propre détriment, à ce que l’autre attend de nous. Pour une personne mal attentionnée, cela peut être un vrai appât.
Les personnes douées veulent toujours tout comprendre, sont en soif d’apprentissage, et le premier réflexe sera de se remettre en question. Ceci va avec cette inadéquation que l’on sent parfois face à la société qui nous amène constamment en remise en question. Finalement, les personnes douées sont parfois les premières à reconnaître leurs angles morts et à les travailler. Cela laisse place à une critique de la part de l’autre, qu’elles vont finir par croire, puis penser que c’est de leur faute.
C’est comme s’il n’y avait aucun doute sur la responsabilité de sa faute, et que l’on oublie qu’il y a également l’autre personne qui peut apporter des choses dans la relation.
Dans la relation, l’éthique particulière est importante : c’est la vision de la qualité de ce que doit être la relation. Ce sont par exemple toutes les valeurs importantes, surtout pour les personnes à haut potentiel, comme la loyauté, la vérité et l’empathie. Un des pièges est que toutes ces valeurs sont tellement fondamentales, qu’elles ne se questionnent pas.
Il est peut être intéressant, au début d’une relation, d’être très attentif à ce qu’il se passe en soi, à son ressentiment.
Démarrage d’une relation : les pièges à éviter
Quand on rencontre une personne, celle-ci ne nous demande pas de nous conformer. Notre besoin d’être apprécié, aimé fait que l’on rentre nous-même dans une forme d’adaptation. Cela ne signifie pas que l’on réagit de cette façon à chaque fois, ou que toute les relations que l’on va entamer, amènent forcément à dune relation toxique. Mais comme cela peut dériver, il peut être intéressant de travailler sur ces points, de se poser des questions en amont : a-t-on besoin d’être aimé, d’être apprécié, que l’on nous trouve “normal“ ?
Dans une telle situation, il ne faut pas oublier que nous sommes deux, et donc il y a un espace dans lequel on peut laisser le champ libre à l’autre pour venir s’emparer de ce qu’il y a à prendre. Ce n’est pas facile à nommer et à reconnaître. Pour Laurie-Anne Casabianca, c’est une des dernières étapes dans la thérapie : se reconnaître à cet endroit-là, l’endroit où on a laissé l’autre venir. Dans la majorité des relations toxiques, il y a eu beaucoup de souffrance.
Une étape importante est de travailler sur tous ces moments où on a souffert, pour trouver la solution pour se réparer, se protéger, être en résilience et aussi d’être capable de regarder comment on a mis soi-même des choses dans cette situation, qui ont pu conduire à cela.
Il faut redresser la situation en occupant son territoire, en étant dans son espace et en existant à côté de l’autre. Parfois dans les relations qui peuvent être abusives, il est très difficile d’exister « avec » l’autre, il faut trouver comment exister ensemble.
Les points de vigilance pour entamer une relation
Selon Laurie-Anne Casabianca, les personnes qui ont vécu des abus dans l’enfance ont tenté d’appréhender ce qui est incompréhensible pour elles, ont eu un besoin de comprendre à tout prix, et ont développé une zone d’excellence pour contrer l’impression de ne rien valoir qui a été amenée par ces abus. Elles veulent toujours en faire plus, elles sont habituées à ce mettre dans ces situations-là, et peuvent parfois ne pas être conscientes d’avoir été abusées.
Les abus ne sont pas forcément des abus incestueux. Cela peut également concerner des façons de parler, d’être traité, de percevoir la honte…
Le conseil que l’on pourrait donner à une personne qui entre dans une nouvelle relation, que cela soit une relation amicale, amoureuse, ou professionnelle, serait de ne pas s’empêcher d’être loyal, empathique, d’avoir ces qualités exceptionnelles qui font de nous de véritables êtres humains. Nous devons plutôt trouver comment mettre en œuvre ces qualités afin de donner et de partager.
Il est primordial de sentir quel goût a cette relation qui vient de démarrer, tout comme les relations qui sont déjà installées. Il est difficile de se rendre compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas car parfois, on est habitué à ce type de relation et on ne se rend pas compte que cette nouvelle situation n’est pas normale. Il faut s’autoriser à se mettre en contact avec ce que l’on ressent, nos émotions, nos sensations pour prendre conscience des dysfonctionnements.
Le corps est un formidable outil pour nous aiguiller quand on est en relation avec quelqu’un : si on a l’impression d’être absorbé par l’autre, de perdre de l’énergie, c’est que ce n’est pas anodin.
Relation toxique : quelles stratégies mettre en place ?
Une fois que l’on commence à identifier les relations que l’on a envie de garder ou pas, les choses à mettre en place seraient de ne pas être seul face à ces situations. Ce qui est important est d’observer le bénéfice que l’on tire à rester dans cette relation. Le faire seul est compliqué, car il faut aller trouver de façon très précise ce qu’il y a de singulier dans notre situation actuelle, et cela implique d’être aidé. Il est préférable d’être accompagné, car il faut que la personne soit capable de prendre une décision qui lui est propre, de trouver quelque chose qui mûrisse.
Une fois que l’on sait que l’on est dans une situation toxique, l’idée est de ne pas se fustiger en plus du reste, de se traiter d’incapable, mais plutôt d’accepter qu’il y a besoin d’un temps pour sortir d’une telle situation, et d’être accompagné pour travailler sur tous les processus : nos rapports à l’amour de l’autre, le regard de l’autre, son rapport à son estime de soi ou à l’abus s’il y en a eu, quelles sont nos exigences vis-à-vis de nous-même, ou quelle place donne-t-on aux exigences de l’autre…
Toutes ces choses-là doivent se regarder et à mesure qu’elles sont analysées et déconstruites, elles peuvent permettre de trouver des bénéfices. En même temps, il faut savoir que cela peut être difficile à entendre et à comprendre pour certains lorsque l’on est dans une relation toxique et que l’on travaille sur ces aspects, en particulier si on se fait accompagner et que l’on arrive à obtenir la juste distance.
C’est un magnifique cadeau de la vie de pouvoir travailler sur ce type de relation. Cela nous permet de revenir à soi. Ça prend un certain temps mais à l’issue, cela peut nous ouvrir sur une certaine conscience. Souvent ce sont des relations qui reviennent se présenter constamment au cours de notre vie. Le fait d’y travailler en thérapie ne signifie pas que l’on en rencontrera plus jamais, mais cela permet de les identifier plus rapidement. On va les reconnaître plus aisément car on repère les signes qui sont présents.
FUIR : BONNE OU MAUVAISE IDÉE ?
Le contexte peut entrer en jeu : dans certains cas, cela sera plus facile que dans d’autres. On peut se sentir coincé professionnellement, ou alors amicalement. L’affectif peut donner l’impression de ne pas pouvoir se sortir de ce type de relation. Il ne faut pas forcément quitter une relation toxique, car il peut y avoir des cas dans lesquels cela peut se travailler ensemble comme les thérapies de couple. On a alors la possibilité d’utiliser la communication non violente.
Laurie-Anne Casabianca a accompagné des personnes pour qui cela a permis de débloquer des situations. On peut se poser vraiment les bonnes questions, trouver un moyen de se comprendre avec l’autre, de faire autrement ensemble.
D’une certaine manière, chacun à sa propre responsabilité. On peut tous, à un moment donné, en pensant bien faire, engendrer un comportement qui amènerait à une relation toxique. Très souvent, quand il y a des échanges, certaines personnes se positionnent en tant que victime alors qu’elles ont leur part de responsabilité.
C’est plutôt de l’ordre de la relation que de l’ordre de la personne, et ceci sans oublier également que la personne qui « abuse » a aussi vécu de son côté des choses qui font qu’elle arrive à se comporter de cette façon-là : souvent ce sont des personnes qui ont été abusées. Il est intéressant de voir comment cela fonctionne dans le système, et comment ça s’imbrique dans la relation.
Une relation toxique peut devenir sereine s’il y a corrélation entre les personnes et une volonté commune de travailler ensemble, même si généralement cela peut prendre du temps. Mais ça peut permettre de guérir des blessures, d’identifier des choses chacun de son côté, pour que la relation puisse mieux fonctionner.
Les clés pour éviter les relations toxiques
Laurie-Anne Casabianca souhaite transmettre qu’en tant que personne douée, il y a énormément de choses merveilleuses : ce sont ces petits trésors comme la sensibilité, cette proportion à tout garder pour soi, toutes ces valeurs très fortes qui rendent ces personnes très vraies et belles. C’est précieux. Elles doivent découvrir comment garder leur discernement avec toutes ces qualités qu’il faudrait laisser fleurir.
Tout est possible si on commence par soi : il ne faut pas espérer que l’autre puisse changer. Tout comme l’autre peut changer, si on ne change pas nous-même, on va toujours réagir de la même manière, et donc avoir toujours le même résultat. Dans son travail personnel, on peut progresser, évoluer et être à un endroit différent : faire en sorte qu’ensemble on trouve d’autres façons de faire, et peut-être prendre des chemins différents.
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