Pas toujours évident de communiquer efficacement ! Et quand il s’agit d’échanger avec des personnes qui ne sont pas concernées par le Haut Potentiel ou l’hypersensibilité, on peut parfois avoir l’impression que l’écart se creuse.
La communication est-elle seulement une question de QI ? Trouve-t-elle également sa source dans d’autres aspects ? Lesquels ?
C’est ce que l’on va découvrir dans cette interview avec Gauthier Ferrand, expert en communication interpersonnelle, qui allie différentes thématiques au service de l’apprentissage de la relation.
Être en relation quand on est Haut Potentiel
Gauthier Ferrand débute par un postulat : nous sommes des êtres de relation et d’amour. Cela signifie que nous sommes faits pour aimer et être aimé. C’est une vraie chance, car nous avons cette capacité de pouvoir partager, grandir, et rire avec les autres. En même temps, cela peut être une source de souffrance terrible, car il y a parfois cet amour qui est en jeu, et on peut très vite se sentir blessé par l’autre.
L’être humain se réalise parce qu’il se fait au travers de lui-même, au travers des autres et aussi par la qualité des relations. On ne peut aimer une personne ou être aimé par quelqu’un, si on ne s’aime pas déjà soi-même. Tout l’enjeu de la qualité de la relation que l’on peut avoir avec les autres, c’est d’abord la qualité de la relation que l’on a avec soi-même.
Est-ce que l’on est au clair avec soi-même ? Est-ce que l’on s’aime ? Voici le principe qui fait qu’une relation va être réussie : quelle est notre intention vis-à-vis de nous-même ?
S’aimer suffisamment pour pouvoir être en relation avec l’autre
Parfois, on peut avoir du mal à se dire que l’on s’aime. On peut percevoir cela comme quelque chose de très binaire. On peut concevoir la relation d’amour pour un couple ou pour des membres de notre famille. Probablement un peu aussi avec ses amis. Parfois moins avec ses collègues.
Dans la relation, il y a une notion d’affect qui se joue. Le désir le plus important de l’être humain, c’est le désir d’être important vis-à -vis des autres, selon la manière dont on fonctionne.
Cette manière d’être reconnu va s’exprimer différemment. Certains individus auront besoin d’être reconnus en tant que personne. D’autres dans ce qu’ils pensent, ou dans leur expertise. Tous ces enjeux vont amener à réaliser la manière dont on existe aux yeux de l’autre, et si on est respecté par rapport à l’autre dans nos propres besoins.
Quand on est concerné par le Haut Potentiel ou l’hypersensibilité, on n’a pas forcément appris cela, car on a souvent été dans une logique de sur-adaptation chronique. De ce fait, on ne saura pas bien quoi attendre de la relation, puisqu’on ne sait pas bien ce que l’on attend de nous-même. On ne peut pas exprimer à l’autre quelque chose si on ne sait pas ce que l’on désire.
Le principe relationnel, quand on parle d’amour de soi, est de savoir si on a une connaissance suffisante de notre propre fonctionnement, et si on en a conscience. Cela va nous permettre par la suite d’aller chercher les personnes avec qui on va pouvoir être en relation de manière saine, et se rendre compte qu’avec certaines personnes, cela peut être plus compliqué. Parce qu’il y a un feeling qui ne passe pas, que ce soit sur le fond ou sur la forme.
Si on ne commence pas par soi, si on n’a pas suffisamment d’ouverture du cœur envers soi, cela ne peut pas fonctionner de l’autre côté. Si on se sent en paix, on va avoir une intention positive vis-à-vis des autres personnes. Alors que si on n’est pas en paix, on va avoir une espèce de réserve, une sensation d’être tendu, ce qui fait que l’autre peut le ressentir.
Physiquement, on sent cette espèce de relâchement. Lorsque l’on est avec une personne, on doit prendre le temps de ressentir comment on se sent. On peut faire le lien avec la théorie de l’attachement : en tant qu’enfant, on est entendu, reconnu, et il arrive un moment où on se sent digne d’amour.
La sur-adaptation et le sentiment de décalage
Beaucoup de personnes à Haut Potentiel se sentent un peu décalées par rapport aux autres. C’est un sentiment, une sensation qui est réelle. Quand on a envie d’être apprécié et que l’on a une capacité d’analyse et d’adaptation qui est importante, on va avoir tendance à se positionner sur le système qui est face à nous pour potentiellement éviter tous les reproches que l’on a pu avoir antérieurement : que l’on est trop critique, que l’on fait trop la morale, que l’on est trop dur, trop sensible…
On peut s’être construit ainsi par rapport aux autres : en étant dépendant de leur regard et de ce qu’ils vont dire sur nous-même. C’est ce qui crée encore plus ce sentiment de décalage, car on ne sait pas bien comment nous fonctionnons réellement. Nous avons appris à fonctionner par rapport aux regards des autres.
On peut, par exemple, nous trouver trop exigeant alors que pour nous, c’est normal d’être ainsi. Forcément, cette exigence, on va la demander continuellement aux autres et ils ne vont pas nous comprendre. Tout comme les personnes très sensibles. Elles ont cette forte sensibilité en elles. Mais les autres vont la percevoir comme « trop » par rapport à une norme. Cela va engendrer le fait de ne plus trop savoir comment entrer en relation, et ainsi avoir tendance à s’isoler en se limitant. Ceci est terrible car nous sommes des êtres de relation.
On sait que si l’on parle, on peut être perçu comme un peu dur ou cassant. Du coup, on va se taire. C’est dramatique, car ça alimente le sentiment de décalage et de solitude. On ne va plus vraiment savoir comment s’adresser à notre entourage. On va avoir la croyance que l’on doit avoir certaines réserves. On va alimenter notre propre réalité, parce que l’on pense que l’on ne sait pas faire. Par toute cette mécanique, on ne fait que confirmer notre propre réalité en continuant perpétuellement à mettre en place ce comportement : cela devient presque identitaire.
Quand on vit en société, il est évident que l’on doit s’adapter. Mais là où ce n’est plus envisageable, c’est quand on atteint un point de bascule où on ne fait plus que ça. Ça devient presque un mode de survie. C’est toute cette notion subtile d’équilibre de la façon dont on s’adapte car la relation, c’est de l’adaptation.
Dans la relation, on est dépendant car on ne sait pas du tout ce que l’autre va nous dire, ni comment on va réagir par rapport à la façon dont il va nous parler. On n’a pas le contrôle sur ce qui est en train de se dérouler, donc on s’adapte car on pense ne pas avoir le choix.
En revanche, on doit prendre conscience de nos limites. Il faut remarquer quand cela ne nous convient pas, car c’est à ce moment-là que nous sommes dans la sur-adaptation.
Accueillir sa douance et son intensité
Le fait de mettre des mots sur sa douance est très important. On comprend que l’on va probablement plus vite que la moyenne. Cela permet d’apprendre à relativiser. On sera beaucoup moins dans cette logique de sur-adaptation.
Il faut prendre en considération que l’on fonctionne de manière plus intense que les autres. On a besoin de plus. Nous devons apprendre à accepter que les choses puissent aller plus lentement que ce que l’on voudrait. Toute cette mécanique de frustration ressort dans la communication.
Si on ne se sent pas bien et que l’on se sur-adapte de manière chronique, on va accumuler de la colère, de la frustration, une tension qui à un moment donné va ressortir avec intensité. C’est à ce moment-là que l’on va nous faire des reproches et que cela va encore plus alimenter notre sentiment de décalage.
En parallèle, il y a la notion des attentes quand on se sent en décalage. On se sur-adapte et on peut avoir des attentes par rapport aux autres qui peuvent être irréalistes. D’où le fait de bien savoir de quoi on a besoin. Il faut apprendre à lâcher prise, car on vit très intensément. On peut avoir de très fortes attentes vis-à-vis des autres et de soi-même.
Dans la mécanique relationnelle, on ne peut pas tout attendre des autres. Il faut savoir prendre auprès de chaque personne de notre entourage les choses qui nous apportent un sentiment positif, et ainsi comprendre quels sont nos espaces de ressourcement dans la relation. Si on met tout au même niveau, de toute façon, par principe on va être frustré. Il faut sortir d’une forme d’idéalisme, car cela apporte de la souffrance.
Il y a une vraie attente sur le besoin d’authenticité. Pour beaucoup, c’est un besoin pour être soi-même. Cela signifie que si la personne en face de nous ne respecte pas certaines choses, on va se sentir mal. Alors que si on prend conscience de cette attente un peu idéale, on pourra relativiser. On prend tout de même du plaisir avec cette personne, même si on n’a pas tout. On partage quelque chose ensemble et c’est fabuleux. Il faut savoir prendre : c’est toute la logique de la gratitude.
Parfois, on est dans ce tel idéalisme dans ses attentes que l’on oublie de voir ce qui nous nourrit dans la relation. D’où le fait de bien poser, peut-être par écrit, ce qui nous anime afin d’élever son niveau de conscience. Il se peut que l’on fasse une activité parce que l’on est doué pour cela, mais on peut se rendre compte que finalement on n’y prend aucun plaisir parce que l’on n’aime pas ça. Il faut revenir fondamentalement à ce qui nous ressource, à ce qui nous nourrit. Là, on gagne en énergie. Le corps nous donne tellement d’informations sur ce que l’on ressent. Si on a de l’énergie ou pas, on le sait tous, même si on n’est pas encore très connecté au corps.
Quand on est concerné par la douance, le fait de savoir mettre des mots sur cette intensité permet de prendre le recul nécessaire par rapport à ses attentes. Si on ne le sait pas, on va continuer à nourrir ce mécanisme de frustration.
Le principe relationnel est tout d’abord de comprendre comment on fonctionne et que quand on est concerné par le haut potentiel, on a une vraie intensité. Quand on attend quelque chose de quelqu’un, on l’attend vraiment. Et quand on s’engage, on l’est vraiment car on ne sait pas faire les choses à moitié.
Il faut accepter qu’une autre personne ne sera peut-être pas autant engagée que nous, pour enfin l’intégrer et se nourrir de ce que ces personnes peuvent nous apporter. Si on ne se nourrit pas de cette intensité, cela va ressortir vis-à-vis de soi et des autres et ce n’est pas les autres qui vont la comprendre pour nous.
Être concerné par la douance est une vraie beauté. Il y a cette capacité à faire de grandes choses. C’est un vrai cadeau si on apprend à nourrir cela.
Accepter les différents types de relations
Le premier point est de voir le contexte. Par exemple, on peut se trouver dans un contexte professionnel avec des collègues avec qui cela fonctionne très bien, et d’autres avec qui cela ne passe pas du tout. Si on décide de rester dans cet environnement, on ne va pas avoir d’autre choix que de s’adapter sans se sur-adapter. On en revient à comment on fonctionne, et comment on peut exprimer les choses à la personne qui est face à nous pour ne pas tout accepter. On n’a pas forcément le même langage les uns par rapport aux autres, ni la même vision du monde. Cela, on le vit au quotidien.
Dans les relations professionnelles, dans une même situation, on ne va pas forcément voir les choses de la même manière. Certains mettront leur système de valeur en priorité. Pour d’autres, cela sera leurs émotions ou encore la logique, les faits… En fonction de la façon dont on fonctionne, nous n’avons pas la même manière de percevoir le monde. On n’aura donc pas la même façon d’en parler.
La perception des choses, c’est cela qui altère notre communication au quotidien. On ne croit pas ce que l’on voit, mais on voit ce que l’on croit. La vision et la perception que l’on a des choses va entraîner notre système de croyance. Sur une même situation, nous n’allons pas la voir de la même manière, ce qui fait que dans la communication nous n’allons pas utiliser les mêmes mots pour l’exprimer.
Il est important de garder ça en tête, car cela permet de prendre beaucoup de recul et de pouvoir s’aligner avec son interlocuteur. L’enjeu n’est pas le même en fonction du cadre par rapport au contexte dans lequel on se trouve. Dans la relation professionnelle, si c’est insupportable, il faut trouver autre chose, ou alors on n’a pas le choix que d’apprendre à s’adapter à la personne en face de soi sans se sur-adapter.
Dans les relations amicales, il faut savoir laisser le temps. Il peut y avoir une certaine impatience de dire que l’on n’a pas eu un bon feeling et de vouloir y mettre fin. Il faut alors se demander si finalement, on a laissé une chance à la personne qui est en face de nous. Il faut lui laisser du temps, car on lui a peut-être fait peur dans la manière dont on s’est comporté avec elle.
C’est un cadeau qu’on peut se faire quand on est Haut Potentiel. On peut laisser le temps aux personnes, parce que la relation de confiance naît avec le temps. Cela nécessite de s’ouvrir à l’autre tout en trouvant l’équilibre. La relation riche se crée avec le temps, mais aussi avec le fait d’accueillir les difficultés et la vulnérabilité des autres.
On vit dans une société où il y a une norme d’exigence sur le fait de tout faire correctement, de tout montrer, de tout réussir… Cela peut être lourd à porter et à imposer à l’autre. La relation n’est pas de la performance. C’est plutôt de l’ordre du langage du cœur et cela prend du temps. Il faut se dire et intégrer que l’on ne peut pas être en relation avec tout le monde et on ne peut pas être aimé de tous. Il y a des personnes avec qui il va falloir structurer au minimum. Il faut trouver cet équilibre par rapport à nos relations, car on ne peut pas tout avoir avec les mêmes personnes. C’est un modèle de tolérance envers soi et aussi envers les autres.
Les clés de la communication interpersonnelle
C’est tout d’abord la conscience de soi. On doit comprendre comment on fonctionne pour savoir comment on parle des choses, quelles sont nos attentes. Dans la relation, la base c’est d’abord soi. Si on ne sait pas comment on fonctionne, on ne va pas pouvoir se caler par rapport à l’autre. Il faut d’abord apprendre à comprendre, à prendre conscience de comment on fonctionne pour l’accepter et ensuite, apprendre à réguler nos pensées, nos comportements dans la relation. À partir de là, on peut apprendre comment fonctionnent les autres. Finalement, on apprend à réguler la communication et la relation.
Les deux premiers champs nous concernent personnellement pour envoyer cette image positive de soi-même. Chacun a sa part à jouer dans la relation et l’idéal, c’est quand l’autre fait la même démarche de son côté.
Pour conclure, Gauthier Ferrand nous préconise de nous offrir ce cadeau de comprendre comment on fonctionne pour pouvoir être véritablement en relation avec soi-même et avec les autres. L’autre nous permettra alors de nous épanouir véritablement.
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